Si la présentation sur papier d’Amor mundi peut paraître rébarbative par sa thématique : la vie d’Hannah Arendt, philosophe allemande, s’il y a bien dans le spectacle quelques références à des grands noms de la littérature ou de la philosophie, c’est aussi et surtout une plongée dans un univers poétique et onirique.
Le texte de Myriam Saduis et Valérie Battaglia nous entraîne à New York (en 1951) lors d’une soirée pour célébrer la sortie du livre d’Hannah.
Nouvelles connaissances et amis de longue date sont réunis pour cette fête intime qui va faire surgir souvenirs, souffrances et questionnements.
Jetés sur les chemins de l’exil, par la guerre 40-45, ils ont fui l’Allemagne et ont emporté à jamais dans leurs cœurs consternation,, effroi, douleurs, rêves et déchirures.
Entre colère contre la guerre et le comportement borné de la gestion des migrants et des apatrides et engagement politique, entre recherche de nouveaux repères et regrets des illusions perdues, le dialogue s’installe, fait d'anecdotes, d’évocations, de révoltes.
Si les mots font, de temps en temps, référence à des textes ou des noms connus, cela ne frise jamais l’indigestion. Il ne faut pas un Master en littérature ou en philosophie pour appréhender toute l’humanité d’Amor mundi.
Sorte d’OVNI théâtral, étrange et séduisant, le spectacle s’apparente à une mosaïque, un tableau fait de petites touches (qui nous interpelleront parfois différemment, qui nous parlerons ou pas) fortes et délicates à la fois.
Véritable travail d’orfèvre, Amor mundi est surtout l’œuvre de toute une équipe. Inévitablement on retrouve la patte de Myriam Saduis dans cette mise en scène énergique, intelligente et toute en finesse, mais le ciel étoilé de la scénographe Anne Buguet agrémenté des éclairages de Caspar Langhoff, l’écrin sonore créé par Jean-Luc Plouvier et Christophe Guiraud confèrent à l’ensemble une atmosphère à la fois mystérieuse et captivante.
Pour compléter le tout, Myriam Saduis s’est entourée d’une superbe brochette de comédiens.
Mathilde Lefèvre (Hannah Arendt), Jérôme de Falloise (Heinrich Blücher), Soufian El Boubsi (Hans Jonas), Romain David (Robert Gilbert et Walter Benjamin), Aline Mahaux (Mary Mac Carthy), Ariane Rousseau (Eleanor Weiner), Laurie Degand (Marianne) insufflent force et luminosité à cette partition chorale qu’ils servent avec générosité, précision et conviction.
Visuel et poétique, vibrant appel à réfléchir sur la vie et ses errances a la fragile beauté éthérée d’une violette, mais telle une praline de qualité qui se savoure avec délectation et laisse en bouche la saveur douce d’un chocolat chaudement épicé, Amor mundi laissera, longtemps après que les projecteurs de la salle se soient éteintes, une impression onirique et presque magique.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 08-09-2015
Théâtre Océan Nord
Présentation du spectacle :
Résumé :
Notre récit commence en 51, année de la publication des Origines du Totalitarisme, au sortir de cet « vacarme d’enfer » que fut, pour tout ce groupe, la guerre de 39-45. Ce n’est pas la philosophe qui vient discourir ici, c’est toute une bande de réfugiés, sans sol où s’arrimer, qui savent qu’il importera désormais plus que tout de se montrer solidaires et de s’aimer avec force. Parce qu’ils relèveront les impératifs de leur condition humaine, ils consentiront à nouveau au monde, combattront pour qu’un avenir commun redevienne possible tout en portant toujours en eux la mémoire irréductible du fardeau des temps.
L'affiche :
Texte de Myriam Saduis et Valérie Battaglia D’après l’oeuvre et la vie de Hannah Arendt
Avec Romain David, Laurie Degand, Jérôme de Falloise, Soufian El Boubsi, Mathilde Lefèvre, Aline Mahaux, Ariane Rousseau