Rencontre autour d’un verre, un homme et une femme, embarrassés, mal à l’aise.
Une maîtresse et son amant qui se retrouvent quelques années après la rupture.
Y a-t-il encore des sentiments ? La passion va-t-elle reprendre ses droits ?
L’auteur, Harold Pinter, ne l’entend pas de cette oreille.
L’écrivain britannique qui adore jouer avec nos perceptions et nos idées préconçues va nous faire vivre l’histoire à l’envers.
Nous débuterons donc avec la rencontre pour retourner jusqu’aux prémices de la liaison.
Sorte de roman-photo théâtral, un ensemble d’instantanés, de moments marquants dans la vie de cette femme, de son mari et de son amant.
Pour pimenter le sujet, il fait des deux hommes les meilleurs amis du monde. Il incorpore aussi pour épicer encore un peu la sauce un probable nouvel amant poulain du premier et client du deuxième.
En remontant le temps, nous découvrirons la vérité, enfin peut-être, car elle fait rarement bon ménage avec la nature humaine.
Pinter livre les pièces du puzzle. Aux spectateurs de les mettre en place et de tenter ainsi de percevoir le film réel et non pas les bouts de pellicules que chacun des membres du triangle amoureux a envie de montrer ou de dissimuler.
Le cynisme est de rigueur, tous mentent, camouflent, masquent et déguisent allégrement.
Seul le public ne sera pas dupe et se régalera de l’ironie des propos, du sentiment de gêne qui va régulièrement planer sur le trio et sur l’îlot blanc qu’est la scène.
Le choix de cette couleur, symbole de pureté, est-il fortuit ou clairement choisi pour s’opposer à la noirceur des trois abuseurs ?
Sans réponse à cette question, on peut simplement constater l’originalité de l’ensemble, un écrin blanc qui se pare de fins voiles blancs et de mobilier amovible selon les lieux évoqués.
On rentre donc dans l’intimité, dans les secrets d’une relation triangulaire.
Classique au théâtre, elle est présentée ici de manière innovante et la mise en scène de Luc Fonteyn accentue encore le découpage en introduisant avant chaque scène sa petite rengaine d’époque, un artifice judicieux qui renforce l’impression de feuilleter un album photo à l’envers.
Tenues d’époque et perruque de rigueur pour permettre à Patricia Ide de rajeunir à vue d’œil.
Serge Demoulin (le mari) et Olivier Massart (l'amant) enchaînent remarques acerbes, sous-entendus et faux-fuyants, leurs escarmouches sont heureusement à fleurets mouchetés.
Car le premier a le tranchant acéré d’un sabre vengeur, le second est une épée lasse de tous ces combats, qui n’aspire qu’à retrouver la paix et la quiétude qu’il a connues avant de briser d’un coup d’estoc rageur le sceau de l’amitié.
Un combat éternel entre l’amour et la raison, entre la possession et les sentiments, une présentation originale pour un thème universel.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 25-01-2007
Théâtre Le Public
Présentation du spectacle :
Résumé :
Le mari, la femme, l’amant… S’emparant de la situation classique du vaudeville, l’air de ne pas y toucher, Harold Pinter met à nu les conventions bourgeoises sur la fidélité. Il commence par la fin… de l’histoire d’amour et nous entraîne dans une fascinante remontée dans le temps, une « recherche du temps perdu », drôle et cruelle.
L'affiche :
Comédie douce-amère de Harold Pinter
Avec : Serge Demoulin, Patricia Ide et Olivier Massart