Pier Klock fait l’unanimité (ou presque) contre lui, il est gênant et pour cause… Il ne sait pas mentir, ni dissimuler, il prône l’amour et le respect, ne supporte pas la souffrance ou la tristesse des autres.
Pier est plein de bonne volonté, il a le cœur sur la main, mais ses tentatives pour aider sont souvent très mal prises.
Chanter un air de bastringue au cimetière, sous prétexte de faire arrêter de pleurer la veuve, remettre dans l’eau des poissons malheureux d’être sans eau dans le seau d’un pécheur sont quelques-uns de ses actes de bravoure.
De bourgade en hameau, de poursuite en fuite, cet idiot de village, ce petit bonhomme naïf et candide va trouver refuge à Vossem, petit village de la Flandre profonde, sous l’occupation allemande.
Avec lui nous découvrirons les notables, les soi-disant bien-pensants du cru, mais surtout un portrait haut en couleur et truculent d’une région qu’on adore ainsi.
Entre les surnoms, les moqueries, les quolibets et les mines de personnages ; les trois acteurs (Jessica Gazon, et Pascal Racan) vont s’en donner à cœur joie pour nous dépeindre la rébellion de ce petit coin flamand oublié jusque-là par l’envahisseur.
Peter Ninane est Pier. Il met tant de candeur sur son visage qu’on le croit presque illuminé par des idées si généreusement bancales.
Un délicat mélange de Till l'Espiègle (Till Uilenspiegel) et de lutin malicieux.
Pascal Racan est Staf den Bul. Un homme bourru, violent, mais aussi tendre qui aime par-dessus tout son village, sa tranquillité et est prêt à tout pour les garder. Il va se faire aspirer dans la spirale de la guerre et de la résistance. David Scheinert (l’auteur) lui met dans la bouche de très belles considérations patriotiques. Un rôle tout en facette qui va comme un gant à Pascal Racan.
Jessica Gazon est toutes les femmes de ce récit, de la bonne du curé à Mieke, la fiancée de Staf ou encore Trina jeune fille simple dont va s’éprendre Pier, mais elle endosse bien d’autres tenues masculines également.
A eux trois, ils vont nous offrir un tourbillon de visages, un panel d’accents, de tics et de manies. Cela provoque rires et sourires même si parfois on a un peu de mal avec tous ces personnages.
Le décor de Thierry Bosquet a transformé la scène en une sorte de cave avec des cageots un peu partout, son coin à pommes de terre, une vieille bassine en zinc, un robinet apparent. Son originalité s’en trouve renforcée par les éclairages d’Alain Collet, qui nous offre un très beau visuel et une excellente exploitation de la lumière notamment dans les scènes de bombardement.
Le Flamand aux Longues Oreilles est une pièce sur deux tons, d’un côté le rire et la légèreté dans les caricatures des personnages, mais de l’autre la profondeur des sentiments exprimés sur les souffrances de la guerre.
Un délicat équilibre qui ne fait jamais tomber la pièce ni dans le pathos ni dans la pure galéjade, mais qui déstabilise un peu aussi, car on est comme sur un carrousel qui tourne, tourne, tourne.
On en sort donc grisés, séduits -par la prestation des acteurs et le décor- , et un peu groggy.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 13-02-2007
Théâtre du Méridien
Présentation du spectacle :
Résumé :
Animé par la poésie un peu fruste du quotidien, d’un humour et d’une rêverie jamais détachés du réel, ce roman aux couleurs de Flandre nous conte une aventure attachante. Celle de Pier Klock, fils d’une marchande ambulante de couteaux de la côte belge.