Maison d’arrêt porte sur la culpabilité sous toutes ses formes.
L’officielle d’abord, celle d’une société qui vous juge coupable d’un acte.
L’intérieure ensuite, celle dite morale, ce sentiment de malaise qui vous taraude et mine l’âme.
Avec les mots d’Edward Bond, c’est surtout la trop souvent cachée culpabilité collective qui est évoquée.
Si les actes sont commis par un homme, c’est parfois la société et la vie qui l’y poussent et … qui devient donc le coupable ?
La société se juge-t-elle elle-même ? Acceptons-nous facilement cette responsabilité commune ?
En nous narrant l’histoire d’un homme qui va disjoncter pour une broutille, qui va plonger dans une agressivité d’apparence incompréhensible, en suivant son parcours en prison et après sa libération sur paroles, nous découvrons le monde de la violence, mais aussi celui du remord.
Notre société est impitoyable, elle ne pardonne rien.
Pas d’absolution possible pour un crime même après des années de prison, celle-ci n’est considérée que comme une parenthèse entre deux crimes.
On attend, voire même on espère, comme une suite logique, une récidive.
Dans de telles circonstances, avec une telle mentalité, qui est le coupable ?
C’est une pièce dure et surtout qui interpelle que le Théâtre de Poche met à l’affiche.
Pendant 2h 40 (plus 20 minutes d’entracte), Maison d’arrêt va nous faire vivre cela.
Par un ingénieux système de décors amovibles, nous voyageons d’un appartement au parloir d’une prison, d’une cellule à un autre appartement, de la liberté à la prison et vice-versa.
La première partie de la pièce (la plus longue) est la mise en place des personnages, l’explication qui permettra de comprendre la seconde partie.
Il est vrai, hélas pour les comédiens, que certains spectateurs n’ont pas la patience d’attendre celle-ci et profitent de l’entracte pour s’éclipser.
Et c’est dommage, car le second volet est beaucoup plus vivant et captive presque.
La fin est surprenante après cette première partie par moment fastidieuse.
Les longues tirades et le manque de sens apparent du début font qu’on devient très critique vis-à-vis du jeu des comédiens.
On devient un peu injuste, car certains y mettent tout leur cœur.
Comme Anne Yernaux dans le rôle de cette mère qui n’accepte pas la mort de son fils en prison ou encore Isabelle Urbain qui se met dans la peau d’une infâme casse-pieds qui réduit tout à sa petite personne, mais qui fait rire tant, elle est outrancière dans son comportement et ridicule dans ses propos.
Patrick Lerch est Mike, ce père qui perd tout sens commun pour un moment.
Un homme au caractère bourru, avec de profondes lézardes dans sa personnalité, qui n’a jamais accepté le décès de sa femme et qui vit maintenant avec le souci de bien faire, d’offrir à sa fille le meilleur. Un être tourmenté donc, qui pour le reste se sent terriblement isolé.
Dans sa première scène, un très long monologue avec sa fille enfermée dans un mutisme total, il a parfois un peu de mal à rendre crédibles ses émotions, ses frustrations et sa colère grandissante. A sa décharge, il a un rôle de bourru, difficile donc de faire passer toute la palette des émotions dans une économie voulue de gestes et même de paroles.
Il se rattrapera dans la seconde partie, en devenant plus expressif, moins raide. Nous avons assisté à la première du spectacle, il est certain que certains rodages se feront encore et que les comédiens prendront de l’assurance pour mieux servir un tel sujet prenant, interpellant sur la culpabilité et le remord.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 26-09-2006
Théâtre de Poche
Présentation du spectacle :
Résumé :
Un appartement social. Le soir. Dans la cuisine, Mike. Dans le salon, assise, sa fille avec qui il vit seul depuis la mort de sa femme. Il lui apporte une tasse de thé; elle refuse de boire, de bouger, de parler.
L'affiche :
D’Edward Bond
Avec : Edwige Baily, Ansou Diedhiou, Stéphane Fenocchi, Salifou Kientenga, Lazare Gousseau, Francesco Italiano, Patrick Lerch, Gaël Maleux, Isabelle Urbain, Anne Yernaux