Des draps qui sèchent dans une maison que l’on récure.
Ils vont s’écarter tour à tour, et derrière chacun d’eux, c’est une porte qui s’ouvre des vies, une histoire, des secrets (une astucieuse scénographie de Marcos Viñals Bassols).
Au milieu de ces longs fantômes blancs une petite fille joue avec des poupées de chiffon.
A travers ces fragiles pantins de tissu, c’est sa vie, sa famille qu’elle dévoile.
Avec la candeur d’une gamine, sa logique toute simple et sa clairvoyance étonnante, elle parle des derniers évènements, de la mort de ses parents. Cette mort c’est moi qui l’ai faite, ces mots sont lancés simplement sans fioritures, sans blablas.
La Petite, qui jamais n’aura de nom, va nous faire revivre son histoire, avec ses mots d’enfant, ses impressions naïves. Elle va nous faire lire entre les lignes, là où c’est blanc, là où l’humain prend le pas sur le fait divers.
Pour aimer assez, il faut aimer trop dit Rivarol et c’est bien là leur drame.
Attisé par les secrets du passé, telle une braise rougeoyante, l’amour couve sous la cendre des silences et des secrets du passé, brasier prêt à s’enflammer et à tout détruire sur son passage.
Ils s’aiment et ils ne savent le dire.
La Mé, d’abord, qui a tant rêvé du meilleur pour sa fille. Bourrue, déçue, enfermée dans sa vertu, elle cache derrière des torrents de mots inutiles son besoin d’être aimée et appréciée.
Le Papé, silencieux, qui n’a jamais su faire front face à sa volubile et raisonneuse épouse, compense ses silences du regard.
Véra, fille rebelle, enfant que la vie a maltraitée, oisillon fragile recueilli par Zak.
Zak, le joulik, le gitan, le vaurien, traumatisé par la mort de ses parents, qui a peur d’oser aimer Véra, tendre et maladroit, exigeant et implorant.
Qu’importe l’isolement, qu’importe la maison délabrée, qu’importe le toit qui fuit, ils s’aiment.
Ils se taisent, laissent l’amour s’étouffer au fond du cœur, laissent le drame arriver.
Marie-Christine Lê-Huu, l’auteure, parle de passion, de chagrin, de colère, de jalousie.
Elle dresse le portrait de personnages cabossés, blessés par la vie.
Son texte est pure émotion, attachant, imagé, plein de candeur et criant de vérité.
Si la musique et la force des mots sont magiques, elles le doivent pour beaucoup à l’interprétation des acteurs.
Même si le rôle de La Petite semble, en ce soir de première, un peu trop grand pour les fragiles épaules de Sophie Linsmaux.
Sensée porter la pièce de bout en bout, la jeune actrice peine par instants.
Et c’est un peu dommage car cela freine un peu l’intensité émotive de Jouliks.
Le Zut reste pourtant, encore et toujours, le théâtre de l’émotion.
Visible dans les regards mouillés de Christine Enkart (la Mé), perceptible dans les sourires tristes de Jacques de Bock (le Papé), poignante dans les larmes et les colères de Cécile Vangrieken (Véra), intense dans les mots torturés de Georges Lini (Zak), presque omniprésente, cette émotion vous fera vibrer, vous serrera le cœur et la gorge.
Pour sa première pièce de la saison, le Zut, avec Jouliks, vous entraîne sur les délicats chemins du coeur, à la découverte de ses silences, de son humanité, de sa fragilité, de sa grâce et de sa beauté.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 12-10-2007
ZUT Zone Urbaine Théâtre
Présentation du spectacle :
Résumé :
Il y a sept ans qu’ils ne sont pas venus, les vieux, dans cette maison au milieu de nulle part, où vit leur fille Véra. Un fossé de sept ans à combler. Sept ans depuis la naissance de la Petite.
L'affiche :
de Marie-Christine Lê-Huu
Avec Jacques De Bock, Emmanuel Dell'Erba, Christine Enkart, Sophie Linsmaux, Nicolas Ossowski et Cécile Vangrieken
Mise en scène de Marine Haulot, assisté de Sébastien Fernandez