Après les Femmes Savantes, voici Bouvard et Pécuchet.
Une comédie sur le savoir et les déboires de deux hommes avides de la connaissance universelle.
De Flaubert, son auteur, nous connaissons plus les drames que la comédie. Ici, il raille ses contemporains, se gausse de leur vanité.
Écrire une encyclopédie de la bêtise humaine, voilà son but.
Ses héros, qu’il surnomme tendrement ses cloportes, sont deux copistes qui quittent Paris sous s’installer à la campagne. Ils rêvent d’apprendre, de se cultiver et de tout révolutionner grâce à la science.
Hélas, leurs succès sont maigres.
Ils s’essaient au jardinage, les melons sont immangeables, ils tentent l’agriculture, les épis sèchent sur pieds, un petit tour par l’étable et l’élevage, les bêtes meurent faute de trop de saignées.
Nos pédants scientifiques ne font qu’accumuler désastres sur catastrophes pour notre plus grand plaisir.
Qu’ils étudient la littérature, l’astronomie ou la philosophie, leurs raisonnements prêtent aux rires tant ils sont empreints d’une naïveté très sensée et d’une pertinente ironie.
D’une discipline scientifique à l’autre, ils enchaînent les lectures, mais tout n’est que contradictions, un écrit s’oppose à l’autre, un fait annule un autre, les croyances explosent, une démonstration annule un théorème. Quel fouillis, quel fatras ! Où est la science ? Où est la connaissance universelle rêvée par nos deux compères ?
Malgré toutes ces références scientifiques, Michel Tanner, signe une adaptation des textes soignée et très cocasse.
On a quasi l’impression d’assister à un jeu de domino, la chute d’une pièce, précipite la suivante, qui percute la troisième …
La scénographie nous offre un décor d’apparence très simple, une porte pivotante et une sorte d’estrade. Mais l’estrade est une véritable boîte de Pandore, les murs sont bien utiles et petit à petit tout l’espace va se remplir du fruit des échecs répétés de nos deux apprentis savants.
Michel Tanner endosse aussi la casquette de metteur en scène et nous offre un Bouvard (Guy Pion) ironique, un tantinet suffisant, une sorte de petit père tranquille, presque débonnaire et fait de Pécuchet (Jean-Marie Pétiniot) un homme frustré, agité, névrosé.
Il jauge très justement les différents effets, rien ne sonne faux.
Il ménage de véritables plages de rires comme les cours de théâtre, les moments très visuels comme la période de mysticisme, mais aussi les échanges verbaux, des textes savoureux à écouter des deux oreilles pour mieux en percevoir toute l’ironique causticité.
Loin d’être un prêchi-prêcha pseudo culturello-scientifique, Bouvard et Pécuchet est une comédie amusante.
Les deux acteurs se donnent à fond, ils sont complices (sur scène et dans la vie et cela se ressent agréablement), ils nous offrent un jeu de qualité qui donne plus d’envergure encore aux propos de Flaubert.
Ni Bouvard et Pécuchet ne seront guère plus savants in fine, mais ils auront appris à reconnaître la bêtise, et ils ne la supporteront plus.
La frontière entre le savoir et la sottise est ténue et faire une telle distinction est déjà superbe non ?
Muriel Hublet
Spectacle vu le 16-01-2007
Atelier Théâtre Jean Vilar
Présentation du spectacle :
Résumé :
Bouvard et Pécuchet, copistes de leur état, la cinquantaine venue, se retirent à la campagne et décident, après avoir inspecté l’univers, d’embrasser la totalité des connaissances humaines. Ils veulent ainsi comprendre et maîtriser le monde par le savoir. Dans une débauche de recherche de travail, de bonne volonté, d’amitié… et de sottises, ils vont être les représentants de la bêtise humaine, chose, chacun le sait, la mieux partagée de l’univers.