Mère en crise ou crise de mère ?
Michel Sardou chantait Femmes des années 80, mais qui a jamais vraiment chanté la mère.
Qui n’a jamais prévenu, osé avertir les femmes et les jeunes filles sur le parcours du combattant (sans entraînement préalable) qu’est la grossesse et la première année de l’enfance du bambin.
Aucun coach pour vous préparer physiquement ou mentalement à un tel bouleversement, à un tel marathon, pas de recettes miracles, pas de trucs de grand-mère, à chacune sa galère …
Marie Véja ose tourner cela en dérision et tente de s’élever face à la démagogie des livres sur la grossesse, des optimistes magazines souriants et pimpants, des bibles incontournables telles la série des Laurence Pernoud.
Qui ose vraiment, à l’avance, parler des nausées du matin, des fringales, de la perte de goût, des prises de sang fréquentes, des seins qui gonflent et sont douloureux, des bouleversements hormonaux et autres joyeusetés qui vont émailler les 9 mois de grossesse ?
Dans un mélange de paroles et d’images vidéo, Marie Véja les évoque par l’humour et la dérision. Mais elle reste soft dans son propos malgré tout, (il ne faut pas décourager les audacieuses), elle oubliera de parler de la démarche de canard, de la fatigue, des vergetures, du nombre d’âmes charitables qui ont envie de vous raconter l’horrible accouchement, la quasi-torture qu’elles ont vécu, …
Elle préfère passer directement à l’arrivée du petit Tancrède dans ses bras.
Tour à tour désormais, maman et bébé vont nous confier leurs impressions.
Tancrède, marmot adorable, tout mignon et très en verve, va délicieusement nous rappeler certaines évidences qui feront que désormais, nous ne regarderons jamais les tout-petits de la même façon.
Sa voix, pointue et légèrement chuintante, séduit et amuse beaucoup.
Sa mère, elle, est plutôt tombée dans la déprime, taraudée par la culpabilité de ne pas ressentir la fibre maternelle, de ne pas avoir l’instinct (ce machin avec un grand I culpabilisateur en diable et qui a écouter tout le monde n’est jamais pour nous, mais toujours pour nos mères, nos copines et nos chères voisines).
Entre le manque de temps, les insomnies-tétées, les joies de la poussette, (toujours trop grande pour ces ***** de trottoirs), la première sortie en amoureux (et le stress maternel qui gâche tout), le blues du père délaissé (égaré entre une panade et deux couches-culottes ?), tout y passe dans un portrait amusant et déridant sur des joyeusetés d’être mère.
Rassurons tout de suite les masculinistes (antiféministe en veste de tweed et odeur de cuir fauve), l’homme n’est pas oublié. Marie Véja lui rend sa place, son importance et rappelle à toutes ce pauvre malheureux négligé et qui se voit perdre son rôle prépondérant de mâle heureux au profit d’un marmot encombrant et objet de toutes les préoccupations de sa chère et tendre.
Avec ironie, tendresse et lucidité, la comédienne, aidée de Frédéric Gibilaro (à la mise en scène et à la mise en musique des textes), raconte en mots simples un vécu réaliste, vu par le petit bout de la lorgnette.
Tous ceux qui sont passés par là ne peuvent qu’en rire, car tout est vrai ( ou à peine exagéré), on s’y reconnaît tous et toutes.
On pourrait très facilement crier au cliché, mais la grossesse est un état universel et si chacune (et chacun) la perçoit un peu différemment Marie Véjà a le mérite de lever un coin de ce mystère, de cette affaire de femmes qui touche pourtant bien les hommes aussi.
Tout neuf et tout mignon, États d'âme d'une jeune mère, vient juste de sortir de l’œuf, c’est un nouveau-né et s’il balbutie encore par instant, s’il est encore un peu malhabile dans ses gestes, ses sourires restent trognons et prometteurs et la matière pour parler de la grossesse et de la prime enfance est telle que le spectacle trouvera vite et de manière assurée son rythme de croisière et récoltera chaque soir sa manne de rire (ça changera la comédienne des brassières et autres grenouillères qui emplissent actuellement la lourde manne de repassage qu’elle traîne sur scène).
Appel à la tolérance, à la compréhension, États d'âme d'une jeune mère évoque un état de grâce (et de grossesse), une vie entre parenthèses dont les femmes ne se souviennent plus ensuite que par flashs tant leur vie intime a été bouleversée, chamboulée, tourneboulée par l’adorable tornade-bébé.
Muriel Hublet |