Qui ne connaît pas ce classique d’Alexandre Dumas ?
La question qui se pose d’emblée est comment diable vont-ils faire pour adapter un livre complexe avec duels, combats et action, qui va de la ruelle au palais, de l’antichambre au couvent, de Paris à Londres.
De plus, nous avons tous en mémoire les différents films qui ont bercé notre enfance (et même un peu plus).
Les trois Mousquetaires sur une scène de théâtre paraît donc un très audacieux challenge.
Commençons par les décors, ou la quasi-inexistence de celui-ci.
Michel Beaudry a imaginé un ensemble passe-partout très original.
Deux ponts-levis s’abaissent de la scène vers la salle, pour permettre aux acteurs d’agir dans les travées et donner ainsi plus de relief et de proximité à l’ensemble.
Le décor central est formé de deux étages tout nus, mais qui va se remplir, selon les besoins, d’accessoires pour devenir le bureau de Richelieu ou une taverne ou, grâce aux jeux de lumière, devenir chapelle ou couloir du Louvre.
Divers recoins, des trappes et un escalier masqué vont accentuer la vivacité et l’élan que demande le récit rapide et vif de Mr Dumas.
Le livre est copieux, difficile donc de tout mettre sur scène, mais l’auteur y avait pensé bien avant le Vaudeville en écrivant déjà sa version théâtrale.
N’empêche qu’elle a été bien rajeunie et se retrouve émaillée de petits clins d’œil à nos temps modernes (sans pour autant nuire à l’ensemble ou faire anachronique). Les dialogues s’émaillent de petites touches d’humour, un peu comme les petits gags qui émaillent un Astérix. On a un peu la même saveur en bouche et on peut parier qu’une deuxième vision du spectacle permettrait d’en découvrir d’autres.
Mais l’esprit original et l’histoire restent intacts, Milady est toujours aussi perfide, Constance aussi délicieuse et D’Artagnan aussi intrépide gascon.
Même si les combats sont été réglé par Jean-Louis Lecocq, il n’y a pas moins de 25 acteurs sur scène.
Georges Volral, en plus de jouer Athos, signe une mise en scène au cordeau. C’est un véritable tour de force d’avoir si soigneusement tout millimétré. Chacun sa place, chacun ses gestes, sans se marcher sur les pieds, sans rater un coup d’épée ou une sortie, le tout sans temps morts et en donnant en permanence le ton vif et le rythme aventureux nécessaire au récit.
Max Launoy en Porthos ou Aline Danau en mère supérieure ont une présence folle. Giuseppe Maliegieri imprime à son royal Louis XIII un relief tout à fait original, mais un comédien crève littéralement les planches (au figuré).
Planchet, ce valet de comédie, a, dans beaucoup de mémoires, le visage de Bourvil, sa gouaille et son air benoîtement innocent.
Eric Mahieu réussit à le gommer le temps du spectacle en s’appropriant le personnage, en lui donnant une vie et un souffle tel qu’on peut en oublier que les autres comédiens qui, en proportion, sont un peu falots. Pour dire, même D’Artagnan convainc peu.
L’histoire est connue de tous, mais son charme fonctionne, on se laisse happer par l’intrigue et séduire par cet agréable petit vent de fraîcheur qui sort le Vaudeville de son répertoire plus classique.
Un spectacle original qui se savoure sans ennui et qui en surprendra plus d’un.
Dans la salle, le public réagit très positivement à chaque innovation scénique. À l’entracte, les remarques fusent pour commenter l’une ou l’autre scène et se demander quelles surprises leur réserve la deuxième partie.
A voir donc sans hésiter.
Muriel Hublet |