Notre critique de Vénus inachevée et autres folies
Chimérique et foutraque Ghelderode
Michel de Ghelderode, qui se décrivait lui-même comme un écrivain flamand de langue française est, ce que l’on peut désormais appeler, un Belge dans tous ses paradoxes, ses flamboyances, ses dérives et son côté éminemment baroque.
Surnommé par certains le Shakespeare flamand, son théâtre se caractérise par un univers bouffon, fantasmagorique qui mélange habilement l’hilarité et la réflexion.
Qu’il propose des écrits pour marionnettes ou pour pantins humains, chaque texte est à double ou triple lecture. La première est le rire simple, presque iconoclaste, les secondes et troisièmes et les suivantes sont souvent une plongée dans la cruauté, les terreurs intimes mâtinées d’une touche d’anticléricalisme.
Mais nul n’est prophète en son pays, Michel de Ghelderode est, hélas, de moins en moins présent sur nos scènes belges.
C’est donc un plaisir doublé d’assister à deux de ses pièces sur une même soirée. Trois acteurs, un drame... et Vénus inachevée ont plus d’un point en commun.
Dérision, ébouriffante mascarade dramatique, esbroufeuse pantomime se mélangent à une belle dose de kitsch.
Avec pour résultat deux farces qui nous emmènent dans un monde délirant, provocateur, irrévérencieux et drolatique.
Tout y est dans ces deux pièces, le côté bricolé, original et déjanté des costumes, la démesure et l’emphase des comédiens, les volontaires exagérations de jeu.
Avec plus de six mises en scène de textes de Michel de Ghelderode à son actif, on peut qualifier Bernard Lefrancq de familier de l’univers de l’auteur belge et être assurés sur la qualité du travail scénique et le respect de l’esprit ghelderodien.
Bernard Lefrancq présente ici deux spectacles jouissifs pourtant très différents de prime abord. Trois acteurs, un drame... est une mise en abîme du théâtre.
Des interprètes, usés, déprimés veulent aller jusqu’au bout du mélodrame qu’on leur fait jouer.
De la réalité à la fiction, il n’y a qu’un (ou beaucoup) de coup de revolver.
La mort n’est pas toujours au rendez-vous, le mensonge et la rigolade oui.
L’emphase théâtrale, l’exagération des costumes, les références au petit monde de la scène et à ses coulisses font frémir des zygomatiques qui ne demandent que cela. Vénus inachevée est, en apparence, totalement délirante.
Mettez ensemble une femme qui veut ressembler à Vénus (une Frédérique Panadero qui prend à pleins bras son rôle d’écervelée fanatique), un homme qui refuse de quitter son scaphandre (Jean-François Brion), un architecte un peu fêlé, un boucher teuton (truculent Philippe Sassoye) et un cosaque blessé, habillez-les à la mord moi le nœud, saupoudrez le tout d’accents étranges, de dérision et de folie et vous aurez une pièce qui part en éclats de rire.
Derrière l’immense plaisir de retrouver Michel de Ghelderode, s’il fallait faire un reproche à cette production du Théâtre littéraire de la Clarencière ce serait d’être trop courte.
Le proverbe ne dit-il pas : Jamais deux sans trois.
Pourquoi le faire mentir ?
Le public apprécierait sans rechigner (au contraire) une troisième saynète, juste … pour la route, comme on dit.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 26-09-2008
Théâtre de la Clarencière
Présentation du spectacle :
Résumé :
Le Théâtre Littéraire de la Clarencière a jeté son dévolu sur 2 courtes pièces de cet auteur belge majeur.
Dans Un Drame, trois acteurs, Ghelderode nous introduit sur la scène d'un théâtre où un auteur, désespéré par le manque de succès de la pièce qu'il a écrit, s'en prend aux trois comédiens qui la jouent. Il leur reproche leur manque de conviction.
L'affiche :
de Michel de Ghelderode
Avec : Jean-François Brion, Florent Minotti, Frédérique Panadéro, Renaud Van Camp et Philippe Sassoye
Production Théâtre de la Clarencière
Mise en scène : Bernard Lefrancq