Depuis 2004 (date de la création du one-woman show), Béatrice Muller n’arrête pas de frotter, de balayer et revivre son histoire d’amour avec Marc-André Denis, sous-directeur des supermarchés Vedette, où elle est employée.
Sous les traits de l’humoriste Sandra Zidani, cette technicienne de surface, apparemment sans histoires, nous brosse, à grands coups énergiques, un portrait très ironique du monde de la consommation, de l’image et des médias.
Vêtue en rose bonbon et très fleur bleue, Béatrice rêve d’amour.
Elle s’invente une romance secrète, elle affabule littéralement, transforme la moindre parole anodine de ce cher Marc-André en une déclaration enflammée. Elle s’emberlificote dans un mensonge de plus en plus ingérable pour essayer de paraître dans la norme.
Elle rêve d’un mariage en grandes pompes ...il part en vacances avec son épouse légitime.
Elle magnifie le moindre de ses actes ... il drague les caissière. Attention, une femme éprise et bafouée est capable du pire !
Zidani réussit à faire de ce drame amoureux un show sensible et acide.
Avec son complice Patrick Chaboud (Malvira), elle glisse dans les rouages grippés de cette romance impossible des éléments dignes d’un thriller.
Meurtres au supermarché… l’occasion idéale de découvrir les coulisses de ceux-ci.
En apparence pour le client, tout est propre (ou presque), les caissières sont souriantes (théoriquement), pimpantes (de préférence), mais que se passe-t-il derrière les portes Réservé au personnel du magasin ?
La vie y est un combat de tous les instants, pour garder ses droits, pour garder son poste, pour se plier vaille que vaille aux diktats de la direction et l’humoriste y trouve la source de quelques pastiches savoureux.
Zidani en profite aussi pour mettre à mal nos clichés visuels.
Elle combat férocement les stéréotypes de l’image. Elle ose mettre en doute les soi-disant évidences.
Le spectacle comporte une belle brochette d’extraits télévisés (remaniés).
Parodie de publicités, extraits du journal télévisé (remaniés), reportages bidon, chacun caricature le traitement formaté qui est appliqué chaque jour aux flots d’images qui nous inondent.
Pour accentuer encore cette satire de nos stéréotypes visuels, des saynètes originales présentent en fond filmé ou dessiné une action, dans laquelle l’actrice vient s’insérer.
Utilisés comme intermèdes, comme reflets des songeries de Béatrice Muller (comme le pastiche musical de Grease) ou comme explications narratives, ces petits morceaux délicieusement kitsch, interprétés par quelques noms bien connus des scènes belges, pimentent le spectacle de bout en bout.
Journal intime d'un sex sans bol est une critique de nos préjugés amoureux, des préceptes ravageurs dont on bourre la tête des jeunes filles et surtout une peinture décapante de notre société Kleenex (A peine utilisé …jeté !).
Zidani titille, intrigue et séduit par son humour sans méchanceté, mais drôlement (im)pertinent.
Elle crée un univers délirant, délicieusement rose bonbon et biscuits aux fraises et le pimente de dérision et de tendresse.
Journal intime d'un sex sans bol est un spectacle à consommer sans modération, fournit, une fois n’est pas coutume, sans date de péremption.
Son réalisme et sa fraîcheur acidulée en font un sujet d’actualité pour longtemps encore.
Muriel Hublet |