Une table de cuisine, deux chaises, deux lampes-projecteurs manipulées par les deux comédiens.
Rien de plus dans ce décor ultra sobre qui laisse toute la place aux mots et au jeu des acteurs.
Bernard Sens et Thierry Lefèvre sont tour à tour William Cliff.
Ils lui prêtent leur force, leur conviction et leur talent pour exprimer les sentiments qui agitent le poète.
Ils reprennent, depuis l’enfance, son parcours d’écorché vif qui ne trouve pas vraiment sa place dans la société.
Gamin perdu dans une grande fratrie, il étouffe sous l’oppression de l’autorité parentale et scolaire.
Il ressent un grand manque d’amour, exècre les interdits qu’il considère comme des provocations larvées à passer outre.
D’école en internat, jamais il ne trouve d’intérêt pour les études.
Il décrochera son diplôme à 30 ans et travaillera dans l’éducation, pas par vocation mais par obligation alimentaire.
Rien ne le satisfait, en perpétuel état de manque affectif, il se cherche, mais le plus souvent il ne trouve que des culs-de-sac.
Son homosexualité mal assumée et difficile à vivre, sa vaine quête d’un inaccessible bonheur, William Cliff l’exprime en sonnets d’une sexualité à fleur de rimes.
Bernard Sens et Thierry Lefèvre sont des interprètes respectueux.
Musicalité des phrases, pauses respiratoires ou accentuations d’un mot, ton de la confidence, remarques ironiques, tristesse, révolte ou rage, tout y est pour nous donner l’impression d’être dans l’intimité de Cliff.
Le texte n’est pas d’un abord facile.
La puissance évocatrice de l’auteur et sa sensibilité sous-jacente sont parfois difficiles à appréhender. (Lire ses phrases est plus facile, on les savoure à son propre rythme, on revient en arrière, on s’arrête, on évoque, on tourne les mots dans la tête avant de continuer plus avant la lecture)
Le théâtre ne permet pas ce même plaisir, mais il en offre un autre, celui d’entendre et de percevoir l’homme derrière ses écrits.
Les deux comédiens sont excellents. Leur jeu est assez incroyable.
Bernard Sens est bluffant et mérite une palme de plus pour ce rôle (après son Prix du meilleur acteur en 2006).
Autobiographies c’est comme entrer, à pas feutrés, dans l’intimité de quelqu’un. Déroutant, intrigant, dérangeant, surprenant mais prenant et poignant quand on sait passer outre ces premières impressions.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 19-02-2007
Théâtre du Méridien
Présentation du spectacle :
Résumé :
A travers cette « Autobiographie », William Cliff évoque des bribes d’enfance et d’adolescence, des rencontres et déambulations… Ironique, cinglant et incisif, Cliff déploie une parole forte qui poursuit à sa manière, dans notre siècle, les mouvements d’âme des « Fleurs du mal ». Il parle de tout ce qui fait une vie. L’enfance, l’école, les profs, l’amour, le désir, la mort, l’abîme. Le monde incompréhensible et qu’il faut, malgré tout, tenter de dire.