Les plus anciens se souviennent peut-être de Mash, film culte des années 70 où de jeunes médecins antimilitaristes aimant l'alcool et les femmes se retrouvent en pleine guerre de Corée dans un hôpital militaire mobile et y sèment une joyeuse pagaille.
Bistouri en a quelques-unes des allures : la tente-hôpital de campagne et son docteur plutôt insolite pour ne citer que les principales.
Ici le chirurgien est un vieux binoclard, à la chevelure en pétard et au cigare vissé aux coins des lèvres.
Marionnette de taille presque humaine, son visage fripé, ses yeux comme exorbités et le talent de son manipulateur (Maxime Durin) lui donne une expressivité folle.
Mais, trêve de bavardages, nous sommes désinfectés, nous pouvons pénétrer dans cette salle d'opération des plus étranges, quasi digne de l'atelier du Dr Frankenstein.
Pratiquement tout, sauf un écran flambant neuf, est fait de bric et de broc, d'objets usés ou détournés de leur usage originel.
Sur la table, un patient, caché sous un drap bleu, remue de temps en temps.
Qui est-il?
Ce sera à vous de le découvrir.
Ce serait trop injuste de vous divulguer par avance le nom de ce célèbre personnage.
Nous vous révèlerons simplement qu'il va subir une grave intervention.
On peut aussi vous dire que rien ne sera épargné pour le soigner.
Des techniques modernes comme l'endoscopie (exploration par caméra) vont être utilisées ... en parallèle avec certaines pratiques d'un autre âge.
Derrière l'histoire bien ficelée, les adultes ne manqueront pas d'apprécier l'inventivité de la mise en scène et de la scénographie (Alain Moreau)et le travail de grande précision du manipulateur (Maxime Durin pour nous, mais ils sont trois à pouvoir revêtir la blouse blanche au gré des pérégrinations du spectacle) .
Ce dernier manipule de la main droite la tête expressive de son despote de chirurgien pour lui donner mimiques et expressivité, de l'autre il prolonge les gestes de cette espèce de bricoleur des entrailles.
Caméra, scalpel, tire-bouchon, scie, perceuse, couteau électrique, clés, dynamite, ...
Chaque objet surgit, insolite, détourné au rythme pourtant précis d'une bande-vidéo qui n'autorise guère la moindre erreur ou retard.
Spectacle sans paroles, Bistouri est un concentré d'humour déjanté et tendre.
Il mélange les genres et les niveaux pour ne pas laisser le spectateur en repos une seconde, on ne sait quand ni d'où le prochain gag va survenir.
Mais à coup sûr, il y en aura un.
On pourrait même le comparer aux BD d'Astérix, dans lesquelles à chaque lecture on découvre un nouveau clin d'oeil ou jeu de mots.
Une seconde vision dévoilera d'autres facettes, d'autres détails et séduira tout autant.
Spectacle généreux, intergénérationnel, loufoque et déjanté, si Bistouri explore (discrètement) le relationnel (et permettra un travail scolaire éventuel), il est surtout un merveilleux concentré d'énergie foutraque.
Muriel Hublet |