Dans un décor qui hésite entre moderne et traditionnel, Isabelle Pousseur présente sa version de cette pièce rarement jouée de Tchekhov.
A l’avant un décor amovible qui sera tour à tour, au gré de l’action, salle de réception, salon, hall d’entrée ou paysage bucolique.
À l’arrière-plan, des espaliers incurvés, avec des écartements divers créent l’impression de voir la scène comme si l’on regardait des poissons s’agiter dans un bocal.
Il est vrai que c’est un peu la caractéristique des pièces du dramaturge russe.
Il détaille chaque personnage, même le moindre, il accumule les faits, les impressions pour nous en donner une image bien réelle, bien perceptible.
Chacun est aussi coincé dans une situation, semble subir le poids d’une lourde destinée et suivre un tracé intransgressible, un peu comme le poisson rouge contraint à tourner en rond par manque de perspectives. L'Homme des bois est pourtant une des seules pièces franchement optimiste, où certains de protagonistes réussiront à se libérer du joug des traditions et à acquérir une certaine forme de liberté.
L’histoire servira d’ailleurs de base à Tchekhov pour écrire Oncle Vania, mais dans un registre bien plus dramatique.
Dernière particularité de ce spectacle, son vibrant plaidoyer écologique, pour la protection des forêts, et ce bien avant que l’écologie n’acquière ses lettres de noblesse.
Récit complexe qui mélange les aspirations amoureuses des jeunes gens, à la rigidité d’esprit d’un vieil homme envers sa jeune épouse, L'Homme des bois reste malgré tout et surtout du théâtre classique.
Isabelle Pousseur en présente une version un peu anachronique qui navigue à tire d’ailes sur la ligne du temps.
Une caméra vidéo voisine avec un message à envoyé par coursier à cheval, une jeune fille en pantalon, les bras nus avec un jeune homme en costume tchétchène, un mobilier mural très à l’aise dans les allées d’Ikea avec des chaises toutes droites sorties de la salle à manger bien bourgeoise de ma grand-mère.
Un ensemble de petits détails qui veulent certainement montrer que la vie n’a pas tellement changé, que si les jours, les années et les siècles s’écoulent tout doucement, l’homme reste le même, seuls sa tenue et son vernis diffèrent.
A-t-on droit au bonheur ?
A quel prix ?
Voilà les questions délicates posées.
Sonia (Emilie Maquest) et Mikhaïl (Paul Camus) devront se battre contre leurs préjugés sociaux pour découvrir l’amour.
Eléna (Marie Bos), jeune femme mariée à un vieux barbon de professeur, devra lutter contre tous pour convaincre de sa bonne foi et de sa fidélité.
Iégor (Philippe Grand'Henry) ira jusqu’au bout de ses frustrations, Alexandre (Michel Cassagne) sera intransigeant avec tous, rigide dans ses principes et si injuste avec sa jeune épouse, Fiodor (Fabrice Rodriguez) sera le noceur qui retrouve la voix de la sagesse, …
Si on a l’impression de surjeu, d’excès d’emphase, de passions trop exacerbées, elles ont le mérite de rendre l’action plus vivante et dynamique.
Il est vrai que la première partie (1h25) paraît lente et presque poussive, mise en place des personnages et des caractères oblige.
Elle est cependant bien nécessaire pour apprécier la suite (1h20), heureusement plus vive.
Le seul vrai bémol est la mauvaise compréhension des certaines voix, tel le timbre rauque de Marie Bos (Elena l’épouse fidèle) qui passe très difficilement la rampe.
L'Homme des bois est malgré tout un classique à découvrir, en toute connaissance (longueur du texte et phrasé un peu figé de l’époque).
Il oscille entre tendresse indulgente et mélancolie nostalgique d’un hier qui reviendra encore demain.
Mais c’est aussi et surtout, pour Bruxelles, une occasion rare de voir monter une pièce méconnue de Tchékhov.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 04-12-2007
Théâtre National
Présentation du spectacle :
Résumé :
L’homme des bois n’est pas de la même veine désenchantée que les autres pièces de Tchekhov. Si, comme dans Oncle Vania, La mouette…, des personnages pessimistes, désillusionnés, meurtris (à mort) par la vie, ses coups, ses déceptions, s’affrontent, il en est d’autres qui goûtent à la fête, à l’amour, qui croient en l’avenir.
L'affiche :
d'Anton Tchekhov
Avec Guillaume Béguin, Marie Bos, Paul Camus, Michel Cassagne, Amid Chakir, Philippe Grand'Henry, Emilie Maquest, Jacques Michel, Martine Paschoud, Julia Perazzini, Fabrice Rodriguez