Ils vous attendent, assis au bord de la scène, ils chantent et claquent des mains. Proches, souriants, ils vous accueillent chaleureusement, vous apostrophent gentiment, vous demandent de couper votre GSM, vous en remercient d’un sourire ou d’un grand signe de la main.
Ces cinq acteurs donnent d’emblée le ton. Générosité et enthousiasme communicatif seront les maîtres mots de cette soirée.
Ils sont là, à cinq, comme des portes-parole de leur Afrique. Pas celle des reportages et du paternalisme colonial, celle d’un continent vivant, vibrant, qui souffre et qui sourit, optimisme, aux lendemains qui ne sauraient être que meilleurs.
Entre Kinshasa, Kisangani et Bukavu, une chaîne d’artistes congolais s’est créée, pour apporter des témoignages sur leur vécu des dernières années.
Le mythe d’Icare a ensuite servi de fil rouge à Lorent Wanson pour la réécriture du tout.
Africare, c’est l’enfant Afrique écrasé par les pouvoirs en place, perdu dans le labyrinthe des corruptions, qui cherche la liberté, qui, insouciant s’envole vers un nouvel espoir et chute, qui s’exprime.
Entre l’antique tragédie grecque et l’actualité congolaise, il n’y a guère de différences, comme le montre les échanges entre les acteurs présents sur scène et des vidéos de témoins, filmés là-bas.
Sans projecteur, sans écran blanc, mais avec un simple drap, posé sur une silhouette accroupie ou tenu à bout de bras, voici l’Afrique sans fard et sans censure. Voir l’actrice accroupie sur scène, donner la parole, compléter et soutenir les mots d’une enfant sorcier, maltraitée, battue et rejetée par sa famille a bien plus d’impact, de réalité palpable que les longues émissions dont nous gavent régulièrement nos chaînes de télévision.
Sans peinture misérabiliste, sans pathos, avec des faits énoncés tout simplement, sans griefs, sans hargne, sans haine, sans voyeurisme, mais avec beaucoup de pudeur, sans envolées lyriques mais avec des mots simples et touchants, tout doucement sans cris et jérémiades, les récits se suivent et interpellent.
En créant, Africare comme un spectacle sans fioritures, sans décors grandioses, avec quelques plumes, un filet de pêche, un projecteur et quelques fûts, le metteur en scène laisse la place à l’homme, au respect et à l’émotion.
Les enfants-soldats, les enfants-sorciers, les esclaves sexuelles, les femmes violées, les bombes qui explosent, les victimes innocentes, le Sida, tous ces maux ne sont pas des mythes, mais des réalités. Lorent Wanson n’imagine rien. Il ne cite pas de chiffres ou de statistiques. Il donne la parole à des êtres de chair et de sang qui vivent et revivent ces drames au quotidien. Par le chant, la danse, la musique et l’image, il prend le pouls de l’Afrique.
Africare ne soignera pas, ne guérira rien, mais il a un mérite, il donne la parole.
Tonique, exaltée, intense, chaleureuse, ardente, l’Afrique devient Emotion.
Palpable dans les silences et dans les applaudissements, elle est le meilleur compliment à offrir à ce spectacle généreux.
Elle fait aussi oublier les instants de maladresses, de tâtonnements et les petites longueurs.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 10-09-2007
Théâtre de Poche
Présentation du spectacle :
Résumé :
Une loge bourrée de mythes Fruit d’un travail d’immersion de longue haleine dans les réalités congolaises d’aujourd’hui (Kinshasa, Bukavu, Kisangani), Africare s’est nourri de rencontres avec des comédiens, danseurs, chanteurs, musiciens, griots,... Pas de message à donner, pas de thématique, mais un travail en contrepoint du mythe d’Icare. Une manière de théâtraliser les différents labyrinthes et défis auxquels doit faire face cette population magnifique, forte, enthousiaste.
L'affiche :
Avec : Jocelyne Ntululo Nafranka, Murhula Cishesa Imani, Olivier Maloba Banza, Efika Lesiso Espérance, David Kawama Kazembe, Karine Kapinga
Mise en scène et conception générale :Lorent Wanson