Cluedo et cup of tea aux Galeries
Londres, son fog (brouillard) persistant, Scotland Yard et ses meurtriers célèbres.
Une pléthore de récits policiers a ces éléments pour trame.
Stanislas-André Steeman marche ainsi sur les traces d’Agatha Christie, de Conan Doyle et de bien des auteurs de thriller.
La capitale anglaise vit sous la terreur, Mister Smith compte déjà à son actif sept victimes.
Toutes ont eu le crâne fracassé.
La police est sur les dents.
Jusqu’à ce qu’un indicateur lui révèle avoir suivi la silhouette de l’assassin jusqu’au 21 Russel Square.
L’enquête du commissaire Strickland est bouclée !?
Pas tout à fait, car ce bâtiment cossu abrite est une pension de famille et les suspects sont donc nombreux.
Dans un décor très british (signé Francesco Doleo), l’action se déroule sur plusieurs plans astucieusement disposés sur la scène. Le commissariat d’un côté, la maison de Russel Square de l’autre.
Cette dernière se divisant même clairement entre salon, salle à manger, chambre, corridor, escalier, …
Cette rigueur toute britannique se retrouve dans les costumes de Françoise Van Thienen et se pimente des sombres et brumeux éclairages de Félicien Van Kriekinge.
L’adaptation de Fabrice Gardin et la mise en scène de Claude Enuset contribuent à accentuer cette atmosphère pesante, inquiétante et à distiller ici et là quelques notes d’angoisse (renforcées par la musique de Laurent Beumier).
Sur les planches, quatorze comédiens connus se donnent la réplique.
Chacun est volontairement très typé.
Patrick Brüll est un commissaire Strickland plutôt perturbé, aiguillonné par son journaliste de beau-frère (Fabrizio Rongione).
À leurs côtés, Hervé Guerrisi, Ronald Beurms, Tristan Moreau et David Leclerq complètent l’équipe d’enquêteurs aidés dans leurs recherches par le balèze malfrat David Leclercq.
Face à eux, la maîtresse de maison, Mrs Hobson (Manuela Servais), sa pétulante soubrette Mary (Stéphanie Blanchoud), l’empesée conteuse Miss Holland (Colette Sodoyez), Collins (Didier Colfs) le bégayeur revendeur de TSF, l’austère major de retour des Indes (Alexandre Von Sivers), le pickpocket et prestidigitateur professeur Lalla-Poor (Toni d’Antonio), un troublant Docteur Hyde (Freddy Sicx) déchu de ses titres, un acteur russe (Jean-Marc Delhausse) et un savant français (Ronald Beurms).
Dans un style très Cluedo, Claude Enuset nous fait suivre pas à pas, de crime en meurtre, les tâtonnements, les investigations, les perquisitions, les arrestations, les fausses déclarations, les mensonges et autres péripéties qui vont émailler cette épique enquête.
Derrière le plaisir de retrouver pendant deux heures trente (entracte compris) une belle brochette d’interprètes et de voir adapter au théâtre scène un classique du romancier belge Stanislas-André Steeman (dont on fête le centenaire cette année), on déplorera peut-être un certain manque de rythme qui parfois donne l’impression d’assister à une 987e rediffusion d’un éculé épisode de Derrick.
Les espoirs de performances artistiques s’évanouissent également dans le brouillard de la scène. Chacun des acteurs est bien dans le ton de son personnage, amuse avec ses particularités très typées. Mais l’espèce d’alchimie, le petit plus, la petite dose de magie est comme absente et transforme L’assassin habite au 21 en un agréable spectacle là où l’affiche nous laissait espérer beaucoup plus.
Muriel Hublet |