L’adaptation au théâtre du film (1971) de Georges Lautner, avec en vedette Rita Hayworth.
Certains se souviennent encore de cette histoire d’un jeune paumé qui entre par hasard dans une station-service au milieu de nulle part, sur le bord de la route de Salina.
Il y est accueilli à bras ouvert par une femme qui l’appelle Rocky et qui dit être sa mère.
En fuite, sans argent, affamé, le pseudo-fils accepte de jouer ce retour de l’enfant prodigue et rentre dans le délire de cette femme un peu confuse, un peu simplette.
Mais grands sont les risques d’une telle mystification, il ne sait rien de celui dont il prend la place.
L’arrivée du shérif, suivi de sa sœur potentielle vont le mettre en danger.
Mais étonnement (Billie dans le film) Jessie ici le reconnaît comme son frère et le reçoit à bras grands ouverts.
Tous les ingrédients sont donc là pour vivre un drame familial où les passions s’exacerbent sous la chaleur de plomb du désert et la solitude ambiante.
Les connaisseurs de l’œuvre de Lautner seront donc un peu interloqués sur ces différences flagrantes dans le nom, mais aussi dans la fin du récit.
Mais il faut savoir que le texte original de Maurice Cury (l’auteur) a subi de profondes modifications et de nombreux remaniements avant d’être enfin filmé par Georges Lautner, ce qui explique semble-t-il cette version un peu particulière.
Trêve de digressions, poussons plutôt la porte pour découvrir un décor soigné, avec beaucoup de détails pour donner à la scène l’aspect d’un bar-drugstore américain typique, produits made in USA, Bud’s et Corana à déguster, billets verts en guise de monnaie, batte de baseball et pop-corn et aussi deux fenêtres s’ouvrant sur l’étendue désertique qui cerne l’endroit.
La mise en scène de Muriel Audrey se veut efficace et impressive tout à la fois.
Elle veut nous faire percevoir la violence et la suspicion qui couve sous un portrait familial presque idyllique.
Elle alterne donc l’action et la vigueur des gestes avec des hésitations, des mots retenus et des regards qui en disent long.
C’est ainsi que Jacqueline Préseau donne à Mara, la mère, un relief étonnant. Elle navigue dans un très bel équilibre entre la douce folie de cette femme simple, naïve et perturbée et son intuition maternelle et une certaine dose de réalisme. Elle illustre parfaitement ainsi le proverbe, Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Sa dernière scène, son chagrin au départ de Rocky, sa manière de se raccrocher au mensonge d’un hypothétique retour sont poignants avec entre les larmes de chagrin, le regard illuminé d’espoir et de candeur. Fabrice Cecchi, Rocky-Jonas, est joue de son regard noir et frondeur pour modéliser ce jeune rebelle, ce vilain garçon au cœur tendre, qui finalement, comme tout le monde recherche tout simplement l’amour. Sibylle du Plessy-Vallois nous offre un rôle en totale opposition avec l’excentrique Gigi Ortéga dans Un Grand Cri d’Amour.
Ce rôle, plus délicat, d’une enfant qui a grandi avec pour seul compagnon de jeu un frère envers lequel a tissé des sentiments peu ordinaires, qui lui fait jouer la femme amoureuse, la jalouse et les Machiavel en jupons.
Le Théâtre de la Flûte Enchantée nous propose avec Sur la route de Salina une pause tout en émotion et en violence retenue entre deux éclats de rire.
Un petit bout de chemin à parcourir avec eux, sur cette route moite, dangereuse et inquiétante où les sentiments sont au rendez-vous derrière les pompes à essence.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 14-11-2007
Théâtre de la Flûte Enchantée
Présentation du spectacle :
Résumé :
Un jeune homme sans le sou qui, depuis plusieurs jours, n'a ni mangé, ni dormi dans un vrai lit, arrive dans une station-service, sur la route de Salina. En l'apercevant, Mara, une quinquagénaire un peu folle, mais encore belle, le prend dans ses bras en lui disant : « Rocky, mon fils, tu es enfin revenu après si longtemps ».
L'affiche :
De Maurice Cury
Avec Jean-Pierre Bruno, Fabrice Cecchi, Sibylle du Plessy-Vallois & Jacqueline Préseau