Notre critique de Tous les Algériens sont des mécaniciens
Les Mille et une nuits de Fellag L’humoriste algérien est sur nos planches pour quelques dates seulement.
Il épingle avec beaucoup de tendresse et de réalisme, les mœurs, les usages, la politique (et ses dérives) et les complexités d’une Algérie indépendante, mais encore imprégnée de la culture de ses colonisateurs.
Ses premiers mots et le titre du spectacle sont une constatation d’unitarisme,Tous les Algériens sont des mécaniciens, mais immédiatement, le propos embraye sur une seconde phrase, nettement plus cruelle et grinçante, Le moteur d’une voiture est le seul endroit du pays où la démocratie s’exerce en toute liberté, égalité, fraternité. Le ton est donné.
Pendant une heure trente, ils nous offrent une joyeuse dérision, fruit d’une solide réflexion sociopolitique, qui jamais ne tombe dans la méchanceté ou dans la virulence.
Au contraire, cette impression d’entendre des anecdotes instille une saveur toute particulière à un texte qui regorge d’autodérision, de jeux de mots, de quiproquos et autres calembours.
Sur scène des draps tendus sèchent au soleil.
Nous sommes chez Salim et Shéhérazade qui s’évoquent quelques tranches de vie.
A la manière des conteurs, sur un ton gentiment frondeur, et grâce à un jeu théâtral fait de fines caricatures, Fellag (auteur de Djurjurassique bled) et sa complice (et metteur en scène) Marianne Épin (époustouflante dans Hannah K.) vont ironiser sur un peuple en pleine quête identitaire et démocratique.
Les joies de l’hygiène quand l’eau est un luxe, l’importance de la famille, l’achat réglementé et semé d’embûches d’une voiture, l’invasion chinoise, les influences religieuses, le travail, les différences culturelles, la démultiplication des langues (Et eux ne s’étripent, pas ils mélangent le tout sans problèmes, un spectacle à conseiller à nos politiques) et les rêves d’un avenir meilleur s’égrènent et s’enchaînent.
Les vagues de rires se succèdent, on s’identifie, on s’y croirait et pourtant …
Impossible de ne pas percevoir derrière l’humour, au-delà de l’ironie bienveillante, les souffrances et les renoncements d’un pays déchiré, victime, martyr et plein d’espoir.
Avec Tous les Algériens sont des mécaniciens, Fellag manie à merveille l’art subtil (et rare) de cacher les larmes et la mélancolie derrière un rire salvateur.
A savourer sans modération.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 27-10-2009
Théâtre Varia
Présentation du spectacle :
Résumé :
Un bidonville dans la périphérie d’Alger, une terrasse ensoleillée, du linge qui prend l’air en attendant l’arrivée de la manne hydraulique, des antennes paraboliques, une trottinette, une douche au compte-gouttes, un atelier de mécanique et un couple qui
devise sur l’état général du pays.