Deux petites dames, deux vieilles filles, deux sœurs font face à la mort de leur mère.
Chacune a ses pudeurs, ses phobies, son caractère bien trempé, ses marottes et sa manière de fuir la réalité.
Semblables et différentes, elles bougonnent et se chamaillent.
Elles se connaissent sur le bout des doigts, sachant comment provoquer ou faire réagir l’autre.
Si elles prennent plaisir à se voler dans les plumes, ce n’est qu’un jeu, une façade pour cacher leurs fragilités respectives et leurs profondes solitudes car finalement elles s’adorent.
Derrière l’humour noir, le français Pierre Notte nous propose un texte qui navigue entre poésie et émotion.
Son récit s’apparente à une peinture attendrissante et attachante, qu’il aurait volontairement morcelée en saynètes, qui nous sont présentées dans un savant désordre.
Des scènes tendres, des aventures rocambolesques, un zeste de loufoquerie les composent.
Chacune représente une des étapes du deuil.
De la culpabilité au déni, de la recherche d’un objectif pour rendre le chagrin supportable à l’envie de faire revivre l’absente dans une série de souvenirs magnifiés, Arlette (Françoise Oriane) et Bernadette (Jacqueline Nicolas) entament une sorte de road-movie drolatique et libérateur qui leur permettra de trouver un exutoire à l’angoisse et au vide que créé par la mort.
Complices, différentes et complémentaires, Annette la fragile et presque infantile s’oppose à Bernadette la frondeuse.
Elles vont vivre, urne en main, une succession d’aventures farfelues, sortes de clowns tristes et sensibles qui cherchent à s’étourdir dans une fuite en avant, dans une manière s’essayer de se recréer après la disparition de la stricte poigne maternelle.
Sujet douloureux et intime, la mort se pare ici d’un côté jubilatoire et déjanté qui permet d’accepter cette transgression des convenances et cette accumulation quasi invraisemblable d’audace et de folie.
Si la mise en scène de Victor Scheffer laisse la part belle à l’émotion et au travail des deux comédiennes, on ne pourra s’abstenir de ressentir une petite frustration quant au texte de Pierre Notte qui malgré toutes ses qualités semble un peu déséquilibré, comme inabouti.
Tout le talent et la complicité de Jacqueline Nicolas et Françoise Oriane, s’ils méritent effectivement les intenses applaudissements d’un public appréciateur, ne suffisent pas à masquer ce léger malaise.
Néanmoins, et rien que pour le plaisir du jeu théâtral et celui de retrouver sur les planches deux sacrées actrices, il ne faut donc pas bouder ce spectacle comique et déjanté.
Muriel Hublet |