Cotillons, serpentins et … larmes
Soir de réveillon, une nuit d’orage.
La famille est réunie autour de l’aïeule.
Chacun met la main à la pâte.
Mais, entre la cuisson des coquillages et le dressage de la table, entre la dégustation d’un bon vin et l’ouverture des cadeaux, on perçoit très vite que sous la bonne humeur de rigueur, sous la lumineuse tenue de soirée que chacun aborde, se cache bien des douleurs, des non-dits, des craintes et des sentiments exacerbés.
Famille quand tu nous tiens …
Marcia Hesse de Fabrice Melquiot détricote une fois de plus la famille, ses silences, ses obligations et ses secrets.
Derrière l’ambiance sensée être à l’amusement et aux retrouvailles, une galerie de personnages va laisser apparaître ses petites fêlures et ses énormes fissures.
Evoquer l’enfant morte l’année précédente va se révéler un véritable catalyseur.
La grand-mère (superbe Jacqueline Nicolas) râle sur son isolement forcé et ne rate pas une occasion de mettre les pieds dans la soupe à la grimace.
L’Oncle Franck (lumineux Thierry Janssen) cache (inutilement) son homosexualité dans un comportement de bon fils, tout en étant à deux doigts du pétage de plomb.
Jérôme (sombre et sobre Emmanuel Dell’Erba) devenu inconsolable depuis la mort de sa sœur, au point même d’en délaisser sa fiancée Juliette (Jasmina Douieb).
Angèle (Martine Willequet) est le symbole même de l’évaporée gaffeuse, tandis que son mari (Michel Israël) se révèle l’exemple parfait du bougon maladroit et à ,peine matamore.
Georgia (très juste Anne-Marie Cappeliez) est la mère inconsolable qui
va tenter d’exorciser la disparition de sa fille dans une prise de conscience collective.
Impossible, même si cela est injuste, de parler tous et de chacun, car s’ils ne sont pas treize à table, ils le sont bien sur scène, le fantôme de Marcia (Hélène Couvert) s’insinuant, ondulant comme un constant rappel, titillant les esprits, suscitant malaise et silence ambigu.
Georges Lini signe une mise en scène très précise, faite de gestes millimétrés qui s’enchaînent dans un ballet minutieux.
Tous les ingrédients sont donc réunis pour offrir un cocktail détonnant et pétillant.
Et pourtant, la recette ne donne pas les résultats escomptés.
La magie est là mais fugace, éphémère,
Est-ce le jeu principalement frontal des acteurs, la longueur de la scène, la taille de la salle de l’Atelier 210, des contraintes que la petite taille du Zut transformait en atout pour transmettre l’émotion ?
Difficile à dire.
Mais en un soir de première, on peut, à coup sûr gager que certains réglages ou resserrages seront effectués pour offrir à la totalité de Marcia Hesse la même uniforme qualité que celle que l’on perçoit déjà au détour de pas mal de scènes.
Muriel Hublet |