Des Riens qui comptent…
Dju, cette injure en pur wallon sert de titre à une plongée en absurdie signée Charlie Degotte.
En absurdie ? Pas vraiment pourtant, tant les personnages croquignolets et les situations abracadabrantes sont proches de notre (triste ?) réalité.
Un canapé, un mannequin, un lapin rose et son tambour (tiens voilà la pub), des majorettes derrière un rideau à chevron (un clin d’œil à la revue du Crazy?) voilà qui laisse espérer quelles débauches farfelues, surtout si elles sont imaginées par un de nos chantres belges du décalé.
Quand surgissent 4 comédiens athlétiques, remontés à bloc et vêtus d’une tenue sportive rutilante (bien que pourquoi la demoiselle a les gants de boxe collés sur la poitrine ?), on se demande ce que va bien nous réserver la suite…
Rien…
Non ! Le spectacle ne s’arrête pas là, mais son but prévu est de battre le record du monde du rien sur scène.
Tout le sel de la situation en vient à prouver que ne rien faire ou lala, … quelle gageure !
Garder le silence et l’immobilisme est décidément impossible.
Des pleurs du bébé (lapin) à l’incursion d’un témoin de Jéhovah, du pipi urgent, au bruit incongru, tout va s’enchaîner pour perturber la concentration des protagonistes.
Dju ! Encore raté!
On se concentre à nouveau et … Re Dju !
Chacun trouvera ici l’occasion de rire des déboires de ces personnages fantasques ou hystériques.
Chaque perception de Dju sera un peu différente, mais ce spectacle décalé, voire déjanté, ne laissera personne indifférent, déjà rien que pour cette énumération belgo-comico-touristique de nos lieux communs.
Une chose provoque l’unanimité, c’est l’appréciation du travail des acteurs.
Infatigables (même sous la lourde pelisse du lapin rose), ils répètent les mêmes gestes basiques (entrées, sorties, s’asseoir sur le canapé). Et pourtant, les saynètes se succèdent et ne se ressemblent pas.
Aucune erreur de texte ou de gestuelle.
Mieux, des accents locaux ou des mimiques rendent nos compères encore plus trognons ou burlesques.
Cerise sur le gâteau, Dju suit l’actualité.
Certaines bribes de la pièce sont chaque soir de pures créations.
Des instants uniques, de l’humour décalé et un joli travail scénique, voici trois raisons de ne pas bouder ce plaisir d’été.
Du théâtre, en juillet, à Bruxelles, à ne pas rater donc.
La version du spectacle est proposée au Théâtre de la Toison d’Or est sans Francesco Italiano (retenu sous le ciel avignonnais par une autre aventure théâtrale).
Son rôle n’a pas été effacé, au contraire, il a été redistribué à ses comparses et au mannequin drôlement bavard qui occupe un coin du divan.
Un joli exemple de fidélité et de respect du travail d’une équipe que nous offrent là Charlie Degotte, Jean-François Breuer, Aurelio Mergola, Fabrice Murgia et Ariane Rousseau.
Muriel Hublet |