 Walt Disney nous a présenté, sur grands écrans et désormais en DVD, le Peter Pan né de la plume de James Matthew Barrie.
Régis Loisel nous narre, dans les six volumes de sa BD, les jeunes années qui ont conduit le petit londonien à devenir le héros de l’île imaginaire.
Unanimement encensé, ce récit dense et complexe évoque, avec tendresse et une belle lucidité, toute l’émotion de l’enfance et ses duretés, de ses intransigeances et de ses rêves.
Emmanuel Dekoninck, avec l’aide de Benoît Roland, l’adapte sur la scène de l’Atelier 210 et se lance dans une gageure aux multiples facettes.
Faire oublier à certains leur propre vision du héros en collants verts du dessin animé n’est guère évident.
Proposer en deux heures (entracte non compris), un condensé de l’œuvre de Loisel à des fans intransigeants est loin d’être un pari gagné d’avance.
Marier ces deux univers aux attentes aussi variées que pointues s’avère d’emblée délicat, avec un incontournable écueil à surmonter : récréer, avec de petits moyens, un monde aussi fantaisiste que follement inventif.
C’est dire donc combien le spectacle est attendu et qu’une bonne partie du public place la barre très haut avant même que le noir ne se fasse dans la salle. 
Comme dit si bien le texte, Il faut croire au pouvoir de l’imaginaire.
C’est de là que naît toute magie et par conséquent également celle qui entoure cette création.
Le parti pris Emmanuel Dekoninck et de toute l’équipe du 210 est de faire travailler l’imagination de chacun en esquissant les bases d’un monde fantastique et en demandant à chacun d’en affiner l’image en y insufflant sa perception ou sa fantaisie.
Et Dieu sait, s’il en a fallu de l’astuce, de l’inventivité pour recréer fée, sirène, centaure, pirates, faune, croco, vols aériens, tempêtes, batailles.
Chacun les percevra et les complétera à sa guise, avec sa propre vision.
Les décors de Jean Serneels tracent les grandes lignes, les costumes de Ronald et Alan Beurms peaufinent l’ébauche avec beaucoup de génie.
Au public, et aux acteurs, de faire le reste.
Inévitablement devant un travail d’une telle ampleur, on peut y trouver à redire, y déceler certains manques ou regretter la faiblesse de l’une ou l’autre scène.
Mais à aucun moment, il ne serait juste de mettre en doute le soin que tous ont apporté aux détails, ni l’étendue du labeur fourni pour en arriver à un tel résultat.
Le choix des acteurs fait également beaucoup pencher la balance du succès dans cette version audacieuse de Peter Pan.
Anaël Snoek se glisse physiquement à merveille dans le corps de l’androgyne Peter même si par instants on perçoit quelques dissonances entre son comportement et son personnage.
Alexis Goslain est un Patte de Chèvre ironique et désarmant, tandis que Bernadette Mouson nous offre une jolie interprétation d’une sirène.
Benoit Van Dorslaer est personnifie à la perfection Mr Mouche auquel Denis Carpentier, en divers pirates donne joliment a réplique.
On appréciera toute la délicate retenue du centaure Angelo Dello Spedale et le côté déluré de la mignonne Indienne de Christelle Pedrinelli.
Philippe Résimont étincelle en Capitaine Crochet tout en force et fougue. L’acteur transmet parfaitement la fragilité, la stupidité et les peurs de ce grand enfant matamoresque.
La palme revient à Anna Cervinka superbe dans son rôle de Fée Clochette, remuante, aguicheuse, frétillante et muette qui nous offre un jeu tout du regard et des mimiques …. Un régal.
Petite originalité supplémentaire, Samuel Gertsman joue, en direct et avec beaucoup de présence, les mélodies composées par Pascal Charpentier.
Peter Pan version Loisel-210, malgré ses petites faiblesses, s’avère donc un spectacle attachant, surprenant et tout ampli de l’innocente candeur de l’enfance, confrontée à la cruelle réalité de la vie d’adultes.
Alors en cette période de fêtes, pourquoi pas, l’espace de deux heures, s’envoler, nous aussi, vers le pays des rêves ?
Muriel Hublet |
Peter se débat dans les bas fonds de Londres, une micro société misérable et violente. À l’aube de son adolescence, il rejette ce monde insupportable : pas question de devenir un adulte ! Il se réfugie alors dans les histoires qu’il se raconte. Jusqu’au jour où une petite fée l’emmène dans le monde imaginaire.
