Voyeurisme et questionnements
Le spectateur voit à travers le mur d’une chambre d’hôtel.
Où plutôt devrions-nous dire de deux.
La scène de l’Atelier 210 est divisée en deux et le public est réparti face à ces deux visions identiques d’un même lieu.
Les acteurs, séparés par un rideau translucide, iront d’un côté à l’autre sans jamais se toucher.
Bien plus que d’être isolés par cette paroi de plastique, ils le sont par un mur infranchissable, celui du silence, des non-dits, des regrets et des remords.
Le texte de Marie Laberge nous fait pénétrer dans l’intimité des retrouvailles entre un père et sa fille.
Sans aucune explication claire sur le passé des deux protagonistes, les dialogues s’enchaînent et prêtent volontairement à confusion.
Que s’est-il déroulé pour en arriver à une telle situation ?
Quel sera le résultat de cette confrontation ?
Aucune réponse tangible.
Chacun de nous devient un voyeur et extrapolera à son gré cet instantané de vie.
La mise en scène de Michaël Bier amplifie grandement le poids ce huis clos très spécial, tant les éléments de réflexions sont mis en exergue.
La symbolique du mur du silence infranchissable est superbement reconstituée, mais s’avère paradoxalement très frustrante.
En dupliquant le décor et séparant les acteurs ( Carlo Ferrante et Anaël Snoeck ), et même en déposant dans chaque chambre une télévision qui reflète les gestes de l’autre, la caméra fixe ne permet pas de tout saisir.
Chacun des deux comédiens n’y apparaît jamais que comme une silhouette et la taille de l’écran nous empêche de percevoir la mobilité des visages.
Dommage donc que cette superbe idée et tout ce travail de scénographie (Catherine Cosme) soit un peu affaibli par ce déficit visuel causé par le sentiment frustrant d’être volé d’une partie de l’action.
A contrario, le soin apporté au décor est remarquable, surtout pour un théâtre qui, comme beaucoup le savent, ne reçoit pas de subsides de la Communauté Française.
Séduisant et intriguant, malgré ses défauts, L'homme gris titille notre indiscrétion et notre voyeurisme intrinsèques.
Muriel Hublet |