Connu des spectateurs de Canal Plus pour l’émission Chez Maman, Sébastien Thiéry signe ici neuf sketches résolument noirs, absurdes, incisifs et désespérés.
A chaque fois, deux hommes sont face à face, deux anonymes, deux quidams que tous nous connaissons, que tous nous avons croisés, un jour ou l’autre au coin d’une rue, derrière un guichet ou dans une salle d’attente. Ils sont seuls, isolés, mendiant un regard, un sourire, une once de tendresse. Ils sont paumés, rejetés, fragilisés et prêts à se raccrocher à n’importe quelle bouée pour ne pas sombrer.
Sébastien Thiéry dépeint cette détresse dans des textes surréalistes.
Pour le solitaire, il crée l’agence qui cherchera pour lui un ami, pour le rejeté de tous. Au mal-aimé, il crée un handicap qui compensera le manque d’intérêt que tous lui portent.
Il fait d’un sans emploi récidiviste un parqué délocalisé dans une ville (Besançon) pour réprouvés du travail, Paris sera réservé aux imbéciles, la Côte d’Azur aux vieux et Marseille à la racaille.
Il envoie le malformé, sans zizi, dans un magasin où l’appareil loufoque proposé a des options du style téléphone et presse-purée intégrés.
Il fait d’un fils bien pensant, un assassin qui n’a rien trouvé de tel que d’empailler son père de son vivant.
Il fait du suicide un geste à la mode avec un service téléphonique In qui vous aide à le planifier, le motiver et le réussir.
Il transforme le caissier d’une banque récemment rachetée par les Indiens en un cerbère qui ne veut donner de l’argent que contre un câlin.
Il délire sur l’esprit artistique ou il entraîne un enfant sur les chemins
tortueux de la découverte d’une mère à facettes et sexes multiples.
Chaque saynète se veut une bouffonnerie de quelques minutes.
Écrites pour le rire et le délire, elles ratent un peu leur cible.
Toutes pêchent par l’outrance que l’auteur impose à chaque fois pour tenter de susciter la réflexion.
Si le principe est bon, finalement, à force de pousser le bouchon trop loin, la pêche est loin d’être miraculeuse, le public reste trop souvent muré dans un silence de carpe.
Sur scène, les deux poissons dans le grand aquarium sombre sont Alexandre Crépet et Michel Hinderyckx.
Ils tournent en rond et tentent d’instiller un peu de vie dans leur grand bocal désert.
Les pauvres, le texte de Sébastien Thiéry les plonge dans des eaux trop glauques et glaciales et la mise en scène d’Alexis Goslain est bien trop conventionnelle pour pouvoir insuffler un peu de chaleur.
Pour faire résonner le côté comique, les pauvres doivent souquer ferme et à contre-courant.
Ils y parviennent, à quel prix et de manière très inégale.
Dommage pour les acteurs, ils sont bien mal récompensés de leur travail épuisant.
La bonne prestation d’un Michel Hinderyckx, à chaque fois confondant de vérité ne suffit pas à tout compenser.
Mais la faute en vient peut-être à l’annonce qui fait de Dieu habite Düsseldorf un spectacle irrésistible, cocasse, insolite, absurde !
Absurde, il l’est sans conteste.
Insolite, il l’est dans les intermèdes musicaux rock de Dominique Bréda et Arnaud Hoedt (qu’on apprécie ou pas).
Cocasse et irrésistible là on restera plus dubitatifs !
Muriel Hublet
Spectacle vu le 05-10-2007
Centre Culturel des Riches-Claires
Présentation du spectacle :
Résumé :
Un spectacle irrésistible, cocasse, insolite, absurde ! Les textes sont comme des billes d’acier, les répliques s’échangent dans un mouvement fou. Cascades d’absurdités, festival de baroque et d’imprévus, ces dialogues loufoques ne sont-ils pas au fond, l’inventaire désenchanté d’une contemporaine et irrémédiable solitude ?