Le couple, miroir aux illusions ?
Rob (Michel de Warzée) est journaliste et critique littéraire
Marié depuis 32 ans à Honor (Cécile Van Snick), leur couple semble la stabilité personnifiée.
Jusqu’au jour où…
L’arrivée d’une jeune journaliste arriviste (Nathalie Hugo) va tout faire voler en éclats.
Crise de la cinquantaine, andropause, remise en question, fuite en avant, dernière tentative de vivre ses rêves oubliés, nouvelle passion, quête chimérique, démon de midi, …
Quel que soit le nom qu’on donne à cette crise conjugale, nous avons tous connu cela de près ou de loin.
Joanna Murray-Smith, l’auteur anglaise de ce texte dissèque très finement le couple.
Elle incise dans le vif pour mettre à nu l’essentiel.
Ses phrases courtes, mais chargées d’un contenu émotionnel intense, sa rigueur et sa retenue toute britannique nous assènent la vérité avec la force d’un uppercut.
Elle déchire le rideau des conventions bourgeoises et éclaire le mariage sous la lumière crue et impitoyable de la triste réalité que trop souvent nous préférons nous masquer.
Elle débusque l’usure, bouscule le confort, époussette les habitudes pour réveiller les consciences.
Ici la vérité est bonne à dire, elle détruit, elle ravage tout sur son passage, telle une tornade.
Mais en regardant les tristes ruines qu’elle laisse derrière elle, on s’aperçoit avec étonnement que ces murs d’apparence si solide n’étaient que fragiles façades de carton-pâte.
Pour rendre au mieux cette impression d’illusion, cette espèce de course éperdue envers soi-même, cette recherche d’une image nette et non celle un peu déformée que l’on préfère en général regarder, Lionel Lesire a créé une scénographie toute en panneaux qui au gré des situations seront parois de verre, murs opaques ou miroirs à effet démultipliant.
L’impression s’accentue encore avec le reste du décor volontairement dépouillé et un sol à damier blanc et noir.
Net, carré, sans nuances, sans possibilité d’hésiter ou de tergiverser vers un gris confortablement plus rassurant.
Ils sont quatre sur scène.
Chacun a sa vision des autres et de lui-même, mais tous verront leur univers se brise.
Dans ce drame, pourtant quotidien, le talent des acteurs et les mots de Joanna Murray-Smith transcendent le banal pour nous faire toucher une vérité qu’on préférerait occulter.
Armand Delcampe signe la mise en scène de ce mélodrame.
Avec beaucoup de finesse, il a opté pour une sobriété qui laisse la part belle au texte et au jeu des acteurs.
Nous assistons ainsi à quelques très belles scènes, prenantes et poignantes comme celle de Stéphanie Moriau (Sophie, la fille du couple) avec sa mère ou avec la maîtresse de son père.
Michel de Warzée est superbe dans son rôle d’homme torturé entre le devoir, l’habitude et une nouvelle passion
Cécile Van Snick bourgeoise engoncée dans ses certitudes et dans la bienséance de rigueur transmet magnifiquement ses émotions d’un simple regard ou d’une mimique du visage.
Stéphanie Moriau est magistrale dans ses colères, ses reproches et sa détresse
Sans oublier Nathalie Hugo qui distille habilement la froideur pour incarner cette jeune ambitieuse, tout en masquant habilement ses propres fêlures.
Biopsie profonde du couple, sans tabous ni exagération, Honor est une petite perle d’émotion, délicatement déposée dans un écrin de vérité.
Un spectacle interpellant qui ne laissera personne insensible.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 12-08-2007
Festival Royal de Théâtre de Spa
Présentation du spectacle :
Résumé :
Rob Spencer, journaliste estimé de la Tribune, la soixantaine, charmant, intelligent, fin, drôle… est marié à Honor et père de Sophie. Rob aime sa femme, leur couple inspire la stabilité, la confiance et… l’amour ! L’amour comme il peut exister après trente-deux ans de mariage, un amour sage mais profond, qui ne peut être remis en cause.
L'affiche :
De : Joanna Murray-Smith Texte français : Claude Baignères, Anne Tognetti
Avec Michel de Warzée, Cécile Van Snick, Stéphanie Moriau, Myriem Akheddiou