Entrer dans le chapiteau des Baladins du Miroir, c’est pénétrer dans un univers un peu étrange et magique.
Cette impression est encore plus forte en assistant à Tristan et Yseut.
Un long espace scénique est dégagé aux pieds du public.
Il va très vite se remplir de musiciens et de chanteurs (en tenues celtes stylisées, tous droits sortis des mains adroites de Sylvie Van Loo) vont interpréter, en direct, la musique composée par Wouter Vandenabeele.
Comme un voile délicat, elle va nous entourer, nous envelopper, nous soulever ou nous étreindre au gré de l’action.
D’Irlande en Bretagne, de bateau en château, de forêt en rivage, la mélodie nous entraîne, sans répit, à la suite des deux amants.
Pas de longs préambules, l’action débute d’emblée quand le Morholt, agonisant, arrive, porté par ses hommes. Le souverain irlandais meurt victime de son dernier et funeste combat qui l’a opposé à Tristan, neveu du roi Marc de Cornouailles. Mortellement blessé par l’arme empoissonnée de son ennemi, le jeune chevalier cornouaillais erre et finira par échouer sur le rivage gaélique. Il sera confié aux mains guérisseuses d’Yseut la blonde, jusque-là fiancée au Morholt.
Les premières graines du drame épique sont plantées et va germer devant nous
la légende mythique si souvent racontée, trop souvent écourtée ou modifiée. Paul Emond l’a adapté, il en a repris tous les éléments parfois un peu disparates pour nous offrir deux heures intenses (entracte comprise) de balade dans les méandres de la fable.
L’histoire reste complexe, mais pas besoin de boussole, l’auteur a prévu un guide pour nous expliciter ce drame amoureux.
Tel un lutin espiègle, en paroles, en gestes ou en mimes, la narratrice Geneviève Knoops, retrace les faits, nous propose des petits raccourcis, nous présente les personnages ou nous en dit plus sur les états d’âme de chacun.
Pas de texte pompeux ni de phrases lourdement traditionnelles, Paul Emond opte pour un langage vif, au ton juste qui résonne savoureusement à nos oreilles.
Tour à tour ironique, tendre, amoureux, revanchard, allusif dans son propos, il offre aux Baladins du Miroir une fantasmagorie magnifique. Saïd Abitar et Aline Claus ont conçu une scénographie subtile, qui titille l’imaginaire, tout en respectant la démesure théâtrale et foraine propre à l’univers des Baladins.
Bateau, barque, dragon, mariage, salle du trône, rivage, verger, chambre nuptiale, leur inventivité n’a pas de limites. Ils nous transportent allègrement d’un univers à l’autre, nous entraînent d’étonnement en surprise à la découverte de ces petites merveilles d’ingéniosité. Nele Paxinou se voit offrir ici, une occasion de plus, s’il cela était encore nécessaire, de montrer toute l’étendue de son talent.
Inventive, elle ne laisse aucun personnage dans l’ombre.
Entre gestes volontairement caricaturaux, mimiques, danses et combats à l’épée (réglés par Diego Lopez Saez), enlacements, fuite et quelques acrobaties, rien ne manque. Nele Paxinou transcende les mots de Paul Emond et nous offre une véritable jouissance théâtrale et foraine.
Mais n’oublions pas le travail des acteurs sans lequel texte, mise en scène et musique ne seraient que des emballages.
Émouvants et pleins de fraîcheur, Yseut (Suzanne Emond) et Tristan (Alexandre Crepet) sont manipulés par le sort sous le regard à la fois attendri et jaloux du Roi Marc (Alain Boivin). Dernière actrice à n’endosser qu’un seul costume, Brangien (Virginie Pierre) est pétillante dans son rôle de soubrette dévouée.
Tous les autres endosseront plusieurs personnages parfois très différents ou succulents comme Abdel El Asri, drolatique à souhait dans son rôle de Cariadoc ou Sophie Lajoie volontairement raide et empesée d en Reine d’Irlande, mais fabuleuse dans les déplacements et mimiques du vilain nain Frocin.
Les Baladins du Miroir accrochent avec ce nouveau spectacle, un petit bijou de plus à leur long palmarès.
Gageons, sans risquer de mentir, qu’il scintillera encore longtemps.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 29-08-2007
Théâtre au Vert
Présentation du spectacle :
Résumé :
En des temps très lointains, le roi Marc de Cornouailles fût poussé par les barons de sa suite à se marier.
L'affiche :
Adaptation Paul Emond
Avec Alain Boivin, Wout De Ridder, Suzanne Emond, Geneviève Knoops, Sophie Lajoie, Virginie Pierre, Coline Zimmer…