Une scène quasi vide, des essuies qui sèchent sur les pourtours, au centre trône une piscine gonflable d’un bleu flashy, quelques dalles de bois et des seaux en plastiques éparpillés complètent ce décor des plus sobres.
Au milieu de tout cela, cinq acteurs seulement, pour une tragédie qui normalement en compte onze.
Tous sont vêtus de maillots de bain noirs.
Étrange ?
Pas de costumes antiques ! Pas de décors somptueux !
Sommes-nous bien là pour voir du Shakespeare ?
Mais oui, nous allons voir une tempête rafraîchissante en diable.
La musique s’enfle et nous entraîne au milieu d’une tempête.
Les trois hommes et les deux femmes vont la vivre d’une manière très active et humide… ils vont s’envoyer l’eau à la figure.
La scène inondée devient l’île où Prospero a attiré ses ennemis de jadis dans l’espoir de changer son destin et celui de sa fille Miranda.
Le ton est donné, plus rien ne sera classique.
Chacun des cinq acteurs interprétera plusieurs rôles et les différences se remarqueront aux tissus éponges de couleur utilisés comme accessoires.
Prospero sera ainsi joué par Peter Palashy (qui sera aussi le boiteux Alonso), même si ses paroles sont très souvent déclinées par le chœur des comédiens. Nathalie Mellinger sera entre autres l’émouvante Miranda, Lara Hubinont l’impayable Trinculo, Anton Tarradellas l’inénarrable et drolatique Ariel, Achille Ridolfi personnifiera brillamment Caliban.
Tous signent une performance étonnante, forts dévêtus, mouillés en permanence, ils marchent ou courent sur un sol très glissant, sans faux pa, dans une agréable complicité.
Julie Annen signe une mise en scène enjouée, innovante, amusante et diablement réussie et le drame shakespearien en sort délicieusement dépoussiéré par le ton jeune et résolument moderne que lui donne la compagnie Pan !
Le fil du récit respecte les mots de l’illustre écrivain, mais la petite troupe réussit à lui donner une vie propre, proche, facilement compréhensible.
Les termes de l’époque ne résonnent plus comme lourds ou passéistes, ils retentissent désormais familièrement à l’oreille.
Avec cette audacieuse mais très agréable adaptation, Shakespeare est désormais à la portée de tous, même des plus jeunes.
Les puristes crieront probablement au crime de lèse-majesté, mais en 75 minutes, la Compagnie Pan ! nous prouve que l’on peut faire autrement, attirer même les plus jeunes à découvrir les classiques en leur présentant un théâtre espiègle, facétieux et digeste, pimenté d’une belle dose de ludique extravagance.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 25-09-2007
Théâtre Océan Nord
Présentation du spectacle :
Résumé :
Après « La sorcière du placard aux balais » de Pierre Gripari présentée en mai 2006, Julie Annen et son équipe nous offre « La Tempête » d’après William Shakespeare, une création qui se veut familiale. Pièce classique à l’esthétique contemporaine où choralité et simplicité des moyens employés règnent en maître. Dix-huit personnages incarnés par 5 comédiens, des corps desquels apparaîtront des images évocatrices aux spectateurs, le tout baigné dans une magie liée à la musique.
L'affiche :
d’après William Shakespeare
Avec : Lara Hubinont, Nathalie Mellinger, Peter Palasthy, Achille Ridolfi, Anton Tarradellas