Haine/Amour ?
Guillemette Laurent s’est approprié L’annonce faite à Marie de Claudel.
Elle l’a comme intériorisée et nous en restitue sa vision.
Elle se focalise d’abord sur l’enfance des deux sœurs et nous montre quelques saynètes de jeu entre deux gamines où l’on sent ramper la rivalité et la jalousie, où l’on perçoit les forces et les frustrations.
Mara et Violaine vont ainsi jouer à colin-maillard, à la poupée, mimer la crucifixion du Christ, dans des mots qui ne sont pas de Claudel mais qu’il n’aurait probablement pas désavoués.
Déroutante pour les familiers de l’auteur, cette petite introduction presque enfantine est plaisante et crée l’ambiance propice pour entendre les mots du maître en discerner les enjeux.
Pendant quelques longues minutes, tout va se focaliser sur Violaine.
Vêtue d’une longue robe blanche, elle va raconter les évènements charnières.
Une courte présentation, peut-être un peu trop brève pour ceux qui ne connaissent pas le texte, mais qui n’empêchera en rien de comprendre la suite et d’en déguster la force et la saveur.
Les deux femmes vont s’écarter, se préparer, s’isoler, comme pour marquer les sept ans d’éloignement qu’elles ont vécus.
Pas à pas, Mara va s’approcher de sa sœur pour entamer une supplique.
Elle tient contre son sein sa petite fille de trois mois, figée dans la mort.
Elle demande à Violaine d’intercéder pour elle auprès de Dieu.
Peu lui importe la maladie de Violaine, ses douleurs, sa souffrance, Mara prie, quémande, veut, exige.
Plus forts qu’un appel à l’aide ou qu’une imploration, ses mots se chargent de toute la douleur d’une mère éplorée, mais aussi d’une femme amère, jalouse, qui a le sentiment d’être toujours en seconde place, de voir toujours sa sœur triompher devant elle.
Violaine va prendre l’enfant dans ses bras et …
Le ressusciter.
Par une jolie prouesse technique, le petit visage va prendre vie et conférer une dose de magie et d’émotion supplémentaire au spectacle.
Tandis que Mara, heureuse de tenir sa fille à nouveau dans ses bras, bascule dans une sorte de folie furieuse, aveuglée par la jalousie, étouffée par les rancoeurs accumulées.
Guillemette Laurent réussit à nous offrir une vision presque magnifiée de L ’annonce faite à Marie.
Elle a crée, dans ce spectacle d’un peu plus d’une heure, comme une aura, une parenthèse, un moment assez unique de communion.
Elle n’a rien laissé au hasard, ni la musique, ni les lumières, ni surtout le superbe jeu des deux comédiennes (Marie Bos et Catherine Salée).
Mara/Violaine est à voir sans craindre, même pour les plus craintifs que le nom de Claudel pourrait rebuter.
La pièce accumule avec brio la force des émotions et la puissance des sentiments.
Résumé :
Ayant lancé le théâtre claudélien, dans la mesure où elle a été la première pièce de Claudel à être jouée en 1912, L'annonce faite à Marie reste une de ses oeuvres les plus populaires et emblématiques. Pièce à la portée philosophique et métaphysique, elle se nourrit des réalités les plus concrètes.