Intense et bouleversant
Le premier cri, nous le poussons tous, le jour de notre naissance…
Et à partir de là, chaque histoire va être différente.
Le récit autobiographique commence donc au début, quand un homme nu se déplie, s’ouvre à la vie.
Sautillant, souriant, il va plonger dans le grand sac à secrets, celui de son histoire.
Il va en sortir son enfance, les photos de sa mère, de son père bien vite parti loin du domicile conjugal. Avec une voix enfantine, il décrit la solitude de sa mère et le bonheur retrouvé avec un nouvel homme, un beau-père de… 17 ans.
Joie d’un petit garçon de retrouver un nouveau papa, de voir le sourire refleurir sur les lèvres de sa mère, mais hélas très vite effacée à coup de gifles, de coups de pieds et d’inceste.
La peur et la douleur font soudainement irruption et colorent de noir, l’univers d’un gosse qui pourtant avait tout pour être heureux.
Et puis silence, il faut serrer les dents, résister, cacher les bleus, cacher la terreur de rentrer à la maison, tenter d’être le fils parfait pour éviter les colères imprévisibles d’un homme brutal.
Un enfant se referme vite sur lui-même, genoux sous le menton, les bras enserrés autour des jambes, les larmes aux yeux, il est là terrorisé, tremblant, craintif et tellement attachant qu’on a envie de se lever, de le serrer dans ses bras, oublieux qu’on est d’être au théâtre.
Le calvaire n’est pas fini, il va connaître les pensionnats, les maisons dites de redressement et la violence qui y règne.
Là encore, la douleur sera au rendez-vous avec son cortège de viols et de coups.
Une seule solution, la fuite, la fugue, et l’aveu des sévices subis.
Avec pour conséquence le rejet maternel, mais aussi des retrouvailles avec un père géniteur qui apporteront un peu d’apaisement et de normalité dans une vie si chaotique.
Premiers émois, premiers amours, premiers échecs, premier travail, c’est le portrait d’une vie qui se raconte ainsi.
Tout simplement, sans tomber dans le pathos, sans être un réquisitoire, Marc Weidemann distille des impressions, sans colère, sans haine, sans cacher ses faiblesses, ses mesquineries, ses lâchetés, ses fuites en avant. Il retrace une vie d’homme, la sienne, sans fioritures. Il fait éclater le poids des silences accumulés, des on-dit bien-pensants naturellement.
Il nous livre ses cris.
Cri de victoire, quand enfin, il se libère des chaînes du passé. Cri de guérison, quand il cautérise l’enfance qui a fait de son cœur une plaie béante. Cri libérateur, quand il ferme ce douloureux livre pour en commencer un autre, sur une page blanche pleine de vie et d’optimisme.
Spectacle prenant et interpellant, Le cri n’évite pas les écueils de beaucoup de récits véridiques, dont la tendance moralisatrice, mais comme derrière celle-ci se cache beaucoup de générosité et d’optimisme, c’est vraiment un moindre défaut qu’on peut se permettre d’oublier très vite pour en retenir l’essentiel, une superbe interprétation d’un comédien, Jean-Noël Delfanne, seul en scène, qui va passer du sourire à la terreur, des pleurs à la joie et exprimer une palette de sentiments excessivement développée sans jamais faillir, sans jamais paraître décalé ou mièvre.
Confession libératoire pudique et sans tabous, dure et forte, intense et attachante, Le Cri séduit par sa puissance et la qualité de son interprétation.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 01-12-2007
Théâtre de la Clarencière
Présentation du spectacle :
Résumé :
L'histoire bouleversante d'un homme qui se raconte avec ses cris d'amours, de colère, de révolte, d'espoir..... Un flash back dans la vie de l'auteur, qui nous fera découvrir avec émotion, mais aussi drôlerie les moments clés de son existence : sa venue au monde et son premier cri, son enfance et ses cris muets face au viol qu'il subit des années durant, son adolescence et ses cris de révolte lorsqu'il fugue, son entrée dans la vie adulte et ses cris d'amour pour des femmes, puis pour des hommes...