Génocide …
Un mot connu, un terme lourd de sens qui régulièrement revient à la une de nos journaux.
Mais savez-vous que ce mot n’a pas un siècle, qu’il a été inventé par Raphaël Lemkin, un avocat américain d’origine polonaise, sensibilisé par cette situation depuis l’enfance.
Un homme qui a vu 49 membres de sa famille disparaître derrière l’étoile jaune et les barbelés des camps de la mort allemands.
Génocide, un mot qui saigne, qui pleure, qui hurle, qui gémit, qui tremble sous les coups des assassins, des violeurs, des tueurs portés par la rage, assénant la mort à coup de haine, au nom d’un certain nationalisme, d’une certaine pureté de race, d’une certaine religion, d’un avantage ou d’un profit quelconque.
Raphaël Lemkin s’est battu, a hanté les couloirs des plus grandes institutions pour faire interdire à jamais les génocides.
En 1948, une résolution a été votée par les Nations Unies. (Voir ci-dessous)
Espoir de bien des minorités, elle est pourtant, encore actuellement, lettre morte.
Adoptée seulement en 1988 par les États-Unis, elle n’est clairement évoquée que depuis les années 90.
Ce préambule historique est bien nécessaire pour comprendre la pièce La maison de Lemkin que propose le Rideau de Bruxelles et son auteur Catherine Filloux.
Elle nous propose de rentrer dans le rêve et l’utopie, dans un monde parallèle où l’esprit de Raphaël Lemkin continuerait à vivre, à survivre, à se battre, à être interpellé par les génocides qui se déroulent de par le monde.
Un univers étrange où vont se télescoper sa mère, une jeune tutsie, une bosniaque, un sénateur américain qui a tendance à tout nier, un militaire hutu qui parle chiffres et milliers de victimes pour justifier la mort d’un casque bleu au Rwanda.
Cruellement, les lois sont évoquées, mais aussi clairement bafouées, détournées, les douleurs oubliées, masquées derrière des intérêts plus importants que le prix d’une vie, derrière des considérations politiques qui ont décidément plus d’importance que le sang et les larmes.
Un spectacle réaliste et étrange qui mêle le rêve et la réalité d’une manière parfois un peu trop complexe.
Derrière les mots, les gestes et les situations, on perçoit la sensibilité exacerbée et les recherches intenses de Catherine Filloux, mais le résultat est un peu difficile à suivre ou à vivre, surtout sans de bonnes notions historiques.
La mise en scène de Jules-Henri Marchant accentue encore ce décalage entre la réalité et le côté imaginaire de cette évocation des pensées et des impressions de Raphaël Lemkin face à ce monde où décidément pas grand-chose n’a changé en cinquante ans.
Dans un décor sombre et sobre, il associe le bruit des trains et le claquement des portes des wagons à bétail pour les juifs à celui des hélicoptères de l’ONU au Rwanda, il nous fait traverser le temps et l’espace dans une visite rapide de notre monde tourneboulé. La Maison de Lemkin assène pas mal de vérités (trop peut-être ?) pour être facilement comprise et applaudie comme elle le mérite pour le courage de son engagement.
L’excellente prestation de Jean-Michel Vovk (Raphaël Lemkin) et l’impact des mots de Catherine Filloux se perdent un peu dans les hautes voûtes du Théâtre du Marni (qui accueille ce spectacle).
Un peu comme ceux d’un prophète qui prêche dans le désert.
Dommage.
Le propos intense et la thématique essentielle se dispersent dans un texte un peu trop complexe et hétéroclite à la fois.
Reste une fois les portes refermées ce constat désespérant d’une inertie volontaire, d’un désintéressement flagrant pour des hommes et des femmes un peu loin de chez nous, du silence volontaire des médias.
C’est loin, ça ne nous concerne pas.
Oui mais et si un jour …
Y aura-t-il encore des Raphaël Lemkin, des humanistes, des utopistes, des pacifistes, des engagés pour se battre contre l’ignominie, pour se battre pour nous ?
La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, le 9 décembre 1948, définit, à son article deuxième, le génocide :
« Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Étymologie de génocide :
Le terme génocide est un néologisme formé en 1944 par Raphael Lemkin, professeur de droit américain d'origine juive polonaise, à partir de la racine grecque genos (naissance, genre, espèce) et du suffixe cide (qui vient du terme latin caedere, tuer, massacrer).
Muriel Hublet
Spectacle vu le 08-11-2007
Théâtre Marni
Présentation du spectacle :
Résumé :
Dans une maison délabrée, défilent auprès de Raphaël Lemkin des hommes et des femmes, Bosniaques et Rwandais, des représentants des Nations-Unies, et aussi sa mère juive toujours soucieuse de lui trouver une épouse… Entre rêve et réalité, fantômes et vivants partagent leurs obsessions et implorent Lemkin de poursuivre son combat. Durant des années, cet avocat d’origine polonaise a fait antichambre devant le Congrès américain pour qu’une loi qualifie de « crime international » le massacre d’une population. Celui qui a inventé le mot « génocide » en 1944 meurt avant que la loi ne soit signée. Par la voix du théâtre il continue à agir, ne songeant qu’à sauver les vivants.
L'affiche :
L'auteur est Catherine Filloux
Avec Didier Colfs, Micheline Goethals, Etienne Minoungou, Awa Sene Sarr, Jean-Michel Vovk