Flamboyant Fracasse
Qui ne connaît pas ce roman de Théophile Gauthier ou son interprétation au cinéma par Jean Marais
Faire revivre sur scène ce héros mythique se révèle donc un fameux pari.
Recréer les combats à l’épée, représenter les différents lieux de l’action, donner vie aux multiples intervenants, garder au récit son âme et son petit côté bravache n’étaient que quelques unes des contraintes que s’imposait Thierry Debroux.
Pour en préserver l’essence et offrir le texte dans sa globalité, il nous propose de vivre la genèse de l’œuvre.
Il installe Théophile Gauthier sur le plateau et nous plonge dans les méandres de l’esprit d’un auteur aux prises avec des personnages qui ont leurs caractères et leurs envies.
Le romancier se mue metteur en scène.
Outre son originalité, cette mise en abîme de Thierry Debroux autorise toutes les audaces et une multitude de gags.
Théophile (excellent Gérald Wauthia) s’inspire de son entourage, les acteurs peuvent, dès lors, endosser plusieurs rôles.
Il s’intègre lui-même dans le récit et se transformera en une Marquise de Bruyère très particulière ou en Vallombreuse père.
Ce choix imaginatif d’adaptation permet à l’humour de s’installer en maître des lieux.
Derrière les aventures du Baron de Sigognac et son épopée aux multiples rebondissements, Le Capitaine Fracasse, dans un tourbillon de combats, pantomimes, chants et danses devient un merveilleux spectacle.
Le sobre décor de Catherine Cosme, fait d’un simple tableau translucide, sera cloison et reflétera quelques images de l’époque. Ce qui permettra de passer astucieusement du château aux plaines enneigées ou aux venelles de Paris.
Burlesque et généreuse en diable, si la pièce doit énormément à Thierry Debroux, ce dernier s’est intelligemment entouré d’une belle brochette de compétences pour l’assister.
Jacques Cappelle a réglé les combats, les costumes sont dessinés par Thierry Bosquet, les musiques ont été écrites par Pascal Charpentier, les vidéos sont d’Antonin de Bemels.
Ce travail minutieux, attentif et inventif de toute une équipe offre aux quatorze comédiens l’occasion d’éclater et donner le meilleur d’eux-mêmes.
Outre l’excellent Gérard Wauthia déjà évoqué, Benoît Van Dorslaer éditeur sans cesse agité devient le truculent meneur de troupe Blazius.
Patrick Waleffe se dédouble entre Pierre, le valet de Sigognac, dont le franc-parler va attiser l’intérêt de Théophile Gauthier pour l’ébauche d’une œuvre abandonnée au fond d’un tiroir et le classique Marquis de Bruyère.
Othmane Moumen nous montre, une nouvelle fois, sa souplesse légendaire et met son comique au service d’un savoureux Scapin.
Philippe Résimont se cache sous le masque de Comedia dell’Arte de Matamore et signe un gouailleur Lampourde.
Nicolas Buysse en Dame Léonarde et en coincé Vidalinc offre entre autres un numéro de changements de costume cocasse à souhait.
Steve Driesen se glisse habilement dans la peau de Sigonac, Hélène Couvert est la piquante Sérafina et Anouchka Vingtier la tendre Isabelle.
Pierre Poucet séduit en Léandre, Laurent Bonnet éructe avec pas mal de justesse la rage envieuse de Vallombreuse tandis que Laurent Denayer est le malfrat Agostin et Chloé Struvay son amoureuse et complice Chiquita.
Discret en temps qu’acteur, Jean-François Breuer accompagne musicalement et en direct tout le spectacle.
Le Théâtre du Parc commence très fort cette nouvelle saison.
Son capitaine Fracasse est généreux, chatoyant, fédérateur et envoûtant qui en fait un des incontournables du moment.
Muriel Hublet |