Tartuffe est adulé par Orgon comme un parangon de toutes les vertus.
Mais le reste de la maisonnée n’approuve pas de la même manière la bigoterie cauteleuse que le faux dévot tente d’imposer.
Las, Orgon est aveugle à tout et refuse de croire en la duplicité de celui qui a désormais toute sa confiance, à qui il est prêt à remettre sa fille et sa fortune.
Bien connue de tous, cette diatribe de Molière envers les bigots et les tendances extrémistes est de retour au Théâtre Jean Vilar.
La mise en scène de cette recréation a été confiée au breton Patrice Kerbrat (La veuve rusée, et Le Sourire du diable). Il signera également celle de Petites dames dès le 23 février 2010.
Pour écrin, il a choisi une scénographie épurée (Edouard Laug) à l’extrême.
Visuellement superbe, elle paraît, par instants, comme froide et écrasante, mieux elle semble dénoter, notamment quand on cherche à comprendre la réelle utilité de son rideau blanc mobile.
La longueur et la profondeur de L’Aula Magna renforcent ces impressions et tempèrent quelque peu l’appréciation générale de ce spectacle.
Respectueux du texte et de l’esprit de Molière, il nous propose un travail d’une grande sobriété.
C’est par conséquent aux acteurs de sortir leurs tripes et de donner tout le relief aux personnages.
On ne manquera donc pas d’épingler la superbe prestation d’Armand Delcampe qui campe magistralement un Orgon drôle, poignant, pathétique ou hébété.
Dans le rôle de sa mère, l’acariâtre Madame Pernelle, Colette Emmanuelle excelle à haranguer sa famille à plus de vertu et de respect du dévot Mr Tartuffe.
Ce dernier, tout de blanc vêtu, sous les traits de Benoît Verhaert, se révèle cauteleux et onctueux à souhait.
Elmire, la seconde épouse d’Orgon, incarnée par la lumineuse Isabelle Roelandt, séduit par ses pudeurs et sa fougue à défendre son honneur et son foyer.
Dorine, la servante de Mariane (la trop discrète Myriem Akheddiou), interprétée par Marie-Line Lefebvre a le verbe fort et juste qu’il sied à son personnage même si elle parait trop raide dans son maintien pour la domestique si familière aux comédies de Molière.
Laurent Micheli (Damis) s’il a la nervosité d’un fils de maison outré du comportement exalté de son père n’a pas toujours le propos parfaitement audible.
De même, Robert Guilmard (Cléante, beau-frère d'Orgon) sensé être la voix de la raison semble parfois empêtré dans son discours.
A contrario, discrets en présence, mais non en prestance, Frédéric Nyssen (Valère, l’amoureux de Mariane) et tout particulièrement François Sikivie (l’huissier Mr Loyal) réussissent à s’imposer pleinement.
Le dénouement sera révélé par un trop effacé Quentin Lemenu.
L’Imposteur est l’occasion de retrouver (ou de faire découvrir) ce classique longtemps interdit lors de sa création et qui a le mérite d’aborder par la comédie et la satire, un questionnement rationnel sur les abus ou les dérives où peuvent mener la religion (quelle qu’elle soit) et en prime de déguster une pièce truculente dans l’esprit probablement voulu par Molière.
Muriel Hublet |