Le retour de l’Avare prodigue
Classique des classiques.
Quasi de tous les programmes scolaires, l’Avare est connu de tous.
Jouer cette comédie de mœurs, au décor d’intérieur bourgeois, dans l’écrin des ruines de l’Abbaye de Villers-la-Ville peut paraître un véritable challenge.
De prime abord, on pourrait imaginer assister à une énième version des malheurs de cet avaricieux, sans parler de voir un intérêt à monter un tel spectacle sous le ciel étoilé.
On se dit donc que Del Productions prend un fameux risque.
Et pourtant, …
Au crépuscule, Villers retentit de sons bien étranges.
Ceux des écus et autres pistoles amassés usure après usure par Harpagon, ce grippe-sou mesquin, ce fesse-mathieu manipulateur.
Très vite, la magie s’installe.
On se laisse emporter par les mots de Molière, la mise en scène de Gildas Bourdet et le travail de ses comédiens.
Où faut-il chercher la recette de ce plaisir théâtral ?
Il n’y a pas d’ingrédients miracle, mais simplement un juste choix à chaque niveau de la réalisation du spectacle.
Gildas Bourdet a pourtant choisi d’être très respectueux du texte initial et n’a quasi pas pris de libertés avec les didascalies.
Mais il s’est entouré d’une équipe de premier plan, ce qui permet à Del Productions de signer un succès d’été de plus.
L’ingénieuse casette à la (dé)mesure de l’avarice d’Harpagon (décor de PATRICK de LONGRÉE), le camaïeu blanc et noir des costumes (CORINNE de LAVELEYE et GILDAS BOURDET), les maquillages (JEAN-PIERRE FINOTTO), les jeux de lumière (CHRISTIAN STENUIT) et la belle brochette d’acteurs sur les planches sont un tout.
Et pourtant, tout avait plutôt mal commencé.
Pascal Racan, choisi pour jouer le rôle d’Harpagon, a dû déclarer forfait peu avant le début des répétitions.
Michel Poncelet a donc, au pied levé, enfilé les hardes de ce vieillard roué, querelleur, mesquin, cupide et égoïste.
Sans méjuger de ce qu’aurait pu offrir Pascal Racan, il faut reconnaître que Michel Poncelet se glisse admirablement dans la peau de ce personnage aussi bouffon que bien peu plaisant.
Pour se jouer de l’acariâtre pingre, on relèvera la prestation de Marie-Paule Kumps qui campe une Frosine piquante et désopilante, la présence malicieuse de Benoît Verhaert (qui malgré un rôle relativement discret réussi à s’imposer), sans oublier la truculence cauteleuse de Gérald Wauthia (Maître Jacques, le cuisinier-cocher).
Ne vous fiez donc pas à vos a priori, cette nouvelle version de L’avare, en plein air, vaut franchement une soirée en terres brabançonnes.
Mieux même, pourquoi ne pas faire de ces ruines cisterciennes le but de votre promenade de la journée et de les découvrir à la lumière théâtrale le soir ?
Muriel Hublet |