Sur un tapis de feuilles mortes, Jean de la Fontaine (Bruno Georis) assiste à un enterrement de fourmi.
De notoriété scolaire auprès des jeunes têtes blondes, le bougre d’homme déclamera pas mal de ses écrits célèbres (La Cigale et la Fourmi, Le Corbeau et le Renard, La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf, Le Rat de ville et le Rat des champs, Le chêne et le Roseau, Le Meunier, son Fils, et l'Ane, Le Savetier et le Financier, Les deux Pigeons, …).
Mais loin d’être un festival de récitations, La Cigale proposée par la Comédie Volter se mue en une incursion dans la vie et l’âme d’un philosophe profondément lucide.
Qui connaît vraiment ses contes qui mettent à mal la pudibonderie de son siècle en évoquant librement d’amour et de cocufiage, sa fidélité opiniâtre à son mécène, Fouquet, tombé en disgrâce, sa conversion tardive à la religion catholique et son reniement de ses textes libertins, ses amours déçues, …
Extraits de correspondance, contes, fables se transforment en un spectacle complet, une sorte d’hommage dissimulé derrière la présentation d’un homme au destin particulier.
Bruno Georis et Michel Keustermans, ses concepteurs, évitent l’écueil du seul en scène récitatif et barbant tant la prestation de Bruno Georis est excellente. Tout à tour rêveur, espiègle, spontané, amer, solitaire, tourmenté, malicieux, l’acteur joue à merveille sur tous les registres.
Ses gestes (qu’il a mis lui-même en scène) permettent de faire de l’orchestre La Cetra d’Orphéo (Michel Keustermans, Romina Lischka et Jacques Willemyns) une entité à part entière et pas un simple accompagnement en bruit de fond.
Avec une musique d’époque, petites danses, refrains guillerets ou airs plus doux , La Cetra d’Orphéo, ensemble de musique ancienne (clavecin, viole de gambe et flûte à bec), accompagne, souligne ou amplifie les propos du fabuliste.
Assis devant son écritoire ou à sa table d’épicurien, en ballade dans la forêt ou pensif dans son fauteuil, le spectacle propose Jean de La Fontaine en toute intimité.
Un tête-à-tête en toute simplicité, qui se mâtinera malgré tout, pour certains, de la difficulté d’en percevoir toute la subtilité des facettes par une certaine méconnaissance historique.
Cette éventuelle lacune n’empêchera pourtant personne d’apprécier toute la fraîcheur d’une rencontre avec une Cigale décidément très agréable à entendre et à écouter.
Muriel Hublet |