Derrière des poubelles, … la Vie
Un amas de sacs plastic, de poubelles, de détritus et au milieu deux hommes.
Des êtres humains ? Oui.
Des déchets de la société ? À coup sûr !
Laquelle ? À quelle époque ? Pourquoi ? Comment ?
C’est là tout le mystère et l’ambiguïté du texte de Spiro Scimone.
Peu importe ces questions, nul besoin de s’y arrêter chaque spectateur est plongé dans une certaine et voulue confusion. Ce qui lui permet d’imaginer les tenants et les aboutissants à sa guise, sans être enserrés dans la vision directrice d’un auteur ou d’un metteur en scène.
Nous pouvons ainsi savourer à loisir le piquant du texte.
Deux clochards, deux parias, vivent enfermés dans une cour (la traduction française du titre).
Isolés, abandonnés, crève-la-faim, battus, ils se sont créés un univers fait de rêves, de paroles, de rituels.
Derrière leur isolement, leurs différences, leurs caractères frustes, on perçoit une certaine forme de tendresse, de partage, de solidarité.
Tano veille Pepe, l’assiste. Un pied blessé (mangé par un rat) il ne sait plus se déplacer, il bougonne et commande Tano qui semble plus simple d’esprit, fragile et manipulable.
Réunion de deux misères, de deux solitudes, de deux êtres bancals pour essayer de faire front, d’être ensemble, de se construire un semblant de vie, de garder certains repères.
Quand surgit un troisième larron, qui tente de les apitoyer.
Un spectacle au propos étrange, étonnant, fait de phrases courtes et répétitions qui tendent à susciter une certaine forme d’humour.
La gestuelle y prend toute son importance. Faite de mouvements tendres ou retenus, de corps soulevé à bout de bras ou avec une corde, de déplacements rampés, elle s’approche presque du mime
Le jeu des acteurs, Steve Driesen (Pepe) et Nicolas Ossowski (Tano), semble tellement inné, presque naturel, qu’on imagine peu que derrière, il y a la mise en scène de Valérie Lemaître
Youssef Khattabi joue le dernier larron, l’anonyme, le mendiant, le rat, le porteur de mauvaises nouvelles.
Le plus remarquable reste la scénographie de Céline Rappez qui a accumulé sur plusieurs niveaux sacs plastics, vieux wc, mannequins, empilage de caisses, …
Mais omettre le travail de maquillage énorme réalisé par Djennifer Merdjan, Florence Jasslette, Pimprenelle Neus serait leur faire injure.
Digne et délicat, pudique et plein d’humanité, sans basculer dans le pathos ou le misérabilisme, Il Cortile est une petite bouffée d’optimisme dans un univers noir et prouve que dans le plus grand dénuement, le plus profond désespoir reste toujours une étincelle de vie, une incommensurable envie de liberté et un espoir insatiable.
Entre cruauté et tendresse, entre réalité et poésie enveloppante, entre dureté et musicalité des mots, Spiro Scimone surprend par un texte bref (une heure seulement) et un contenu abrupt, sans prémices claires et avec une fin qui tombe brutalement comme un voile noir.
Muriel Hublet |