Les raisins de la peur
Destruction des tours à New York, attentats à répétition en Irak, bombe humaine en Israël, explosions dans des trains à Madrid ou dans le métro londonien, voiture suicide dans un cortège en Hollande, enveloppe à l’anthrax en Belgique…
La liste est, hélas, très longue de ces évènements qui font les gros titres de nos journaux.
Les frères Oleg et Vladimir Presnyakov, se sont emparés de ce phénomène bien avant les attentats du 11 septembre pour vous en offrir une vision plus aiguë, plus proche et ... plus pernicieuse.
S’ils y anticipent le ressenti et surtout la peur qui s’est désormais insidieusement glissée dans nos esprits, ils démontrent, dans ce texte joyeusement décalé, mais profond, que le terrorisme n’est pas l’apanage des révolutionnaires de tous bords.
Cette forme de terreur, cette emprise des uns sur les autres peuvent prendre des aspects clairement très différents des colis piégés ou des interventions de kamikazes.
Le harcèlement moral, le chantage ou l’abus de pouvoir ne sont que quelques-unes des facettes d’un mal dorénavant à la une de nos préoccupations, même s’il existe depuis la nuit des temps.
En six tableaux, qui forment une boucle la pièce nous place devant notre quotidien et nos propres réactions.
Un mari cocu, un amant barjot, des bagages oubliés sur le tarmac, deux petites vieilles qui papotent sur un banc, un sous-chef dictateur, banal non ?
Et pourtant entre la normalité et l’outrance, la limite est fragile, le sournois surgit donc très vite derrière la tranquillité routinière de nos vies.
Intelligente, Terrorism utilise l’excès, le surréalisme et quelques clins d’œil kitchs pour interpeller et sensibiliser mille fois mieux que de grandes harangues.
Sur une scène ouverte, avec quelques éléments de bois pour tout mobilier (scénographie de Fabien Teigné) , les huit comédiens de cette production belgo-québécoise manipuleront le décor pour nous transporter des portes closes d’un aéroport dans une chambre à coucher, d’un bureau dans un parc ou d’un vestiaire dans un avion au gré des tableaux.
La mise en scène d’Olivier Coyette distille, principalement dans les trois premières saynètes, anachronismes et incongruités qui vont de l’omniprésence de raisins à des chaussures qui couinent, de vêtements incongrus à des comportements étranges ou fortement amplifiés.
Déroutante de prime abord, sa vision sous-tend, voire amplifie, un propos féroce et une ironie percutante.
Dans la seconde partie, les différents éléments se mettront en place pour nous faire percevoir les conséquences de nos actes et notre responsabilité face au terrorisme.
Mais le texte et la mise en scène ne seraient rien sans le formidable travail et le talent des acteurs canadiens Fabien Cloutier, Sharon Ibgui, Jacques Laroche, Monique Miller, Mani Soleymanlou et de nos belges Christian Crahay, Nicole Valberg et Benoit Van Dorslaer.
Comédie noire et grinçante, entre voyage en absurdie et conscientisation, entre surréalisme et tragicomédie, Terrorism se joue de tous les paradoxes avec une fantaisie rafraichissante et détonante.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 12-01-2010
Théâtre de Poche
Présentation du spectacle :
Résumé :
A travers six séquences tirées de la vie quotidienne, les frères Presnyakov étendent la notion de terrorisme au sentiment de terreur que chacun peut éprouver dans le monde d'aujourd'hui...
L'affiche :
de Oleg et Vladimir Presnyakov
Avec Fabien Cloutier, Christian Crahay, Sharon Ibgui, Jacques Laroche, Monique Miller, Mani Soleymanlou, Nicole Valberg, Benoît Van Dorslaer