Déflorer le dépucelage
Les premières secondes, avec les tabourets comme seul décor, laissent furieusement penser aux Monologues du vagin.
Plusieurs fois cette impression fugace en titillera plus d’un.
Pourtant, hormis le lieu et la metteuse en scène, les deux spectacles ont peu en commun, au contraire.
L’un comme l’autre sont cependant le reflet de confessions intimes, toutes très orientées sexe.
Mais le traitement que l’auteur américain Ken Davenport lui apporte est fort différent.
Il a opté pour des anecdotes ou commentaires sur un rythme rapide.
Ces phrases courtes et généralement à la première personne, sans guère de transition entre elles créent une sorte de juxtaposition d’opinions parfois diamétralement opposées.
Les réflexions désabusées, les aveux maladroits, les interprétations biscornues, les croyances de bonnes femmes, les carcans sociaux, le sempiternel quant dira-t-on, donnent lieu à toute une série de Premières fois drolatiques, tendres, amères, violentes, homos ou hétérosexuelles qui resteront marquées au fer rouge du souvenir dans les mémoires.
Extraits des plus de 40.000 témoignages publiés sur le site Web, My first time sera aussi celui du public.
Les quatre comédiens (Julie Lenain, Julie Duroisin, Marc Weiss et Alexis Goslain) commencent par le titiller en distribuant des questionnaires (anonymes) dont les réponses seront évoquées sur scène.
Où ?, quand ?, à quel âge ?, avec qui ?, l’avez-vous revu ?, comment l’avez-vous perçu ? seront autant d’occasions de nous entraîner du métro à la plage, de l’arrière de la voiture à une sombre cave, avec le mari actuel, un copain d’école ou pire un violeur.
Contentement, douleur, indifférence, rage ou sentiment d’enfin être comme tout le monde voisinent ainsi sans complexe et sans fausse pudeur avec la fierté de la vierge intacte jusqu’au jour des noces.
Marie-Astrid Périmony, à l’adaptation, et Nathalie Uffner, à la mise en scène, ont conservé le style de Ken Davenport en lui apportant nos accents belgo-belges et certains de nos lieux communs.
Si le résultat est plaisant et se mesure sans conteste au nombre d’éclats de rire, on ne peut que déplorer (tant le texte et le jeu des acteurs sont prenants) le peu de moments plus intimistes et poignants.
Si on est donc moins pris à la gorge ou interpellé que dans les Monologues du vagin, My first time se révèle attendrissant, cocasse, vivant, croquignolet, rythmé, dynamique et le tout sans un gramme de vulgarité.
Muriel Hublet |