La mémoire et la vie
Les traits fanés, les épaules voûtées, les mains raidies par les rhumatismes, les cheveux déteints par les ans, une femme solitaire aspire à la mort, comme cela d’un coup.
Sur sa chaise de douleurs, Adèle vit au ralenti, au rythme des incursions silencieuses de deux infirmiers qui la manipulent délicatement ou l’aident à se déplacer.
Le tout dans un silence complice où les regards et la douceur des gestes sont plus profonds et précieux que des tonnes de mots.
Candy Saulnier auteur et metteur en scène nous offre le portrait du banal quotidien d’une fin d’existence solitaire et isolée ; avec pour toute occupation, la valse (très lente) des souvenirs.
Adèle (magnifique Marie-Rose Meysman) ressort une odeur d’enfance, une bride d’adolescence, une souffrance d’épouse, une douleur de mère.
Elle évoque sa vie de travail par petites séquences.
Sa jeunesse, ses frères et sœurs, son amour pour ses parents, leur état de quasi-indigence, l’inceste, le viol, le servage, le statut de la femme, le joug de l’homme, les cancans de village, le labeur incessant, Candy Saulnier insère dans la bouche de son héroïne un témoignage véridique, celui d’une paysanne bretonne née dans les années vingt.
Sans tomber dans le pathos, le mièvre ou le convenu, sans pourtant aborder un sujet neuf, le spectacle propose une plongée dans un hier pas si lointain, celui de nos grands-mères ou arrière-grands-mères.
Sorte de livre ouvert sur l’âme, sur le passé, sur la douceur et sur la douleur, La vie au bord du puits est surprenant à plus d’un titre.
Fragile, délicat, presque éthéré, le récit séduit et enveloppe le public d’une magie subtile qui fait passer outre de fugaces impressions de lenteur ou de longueur en titillant curiosité et sensibilité.
Dans un décor dépouillé et pourtant fascinateur, La vie au bord du puits est une vision épurée et sublimée du sempiternel triangle, la vie, l’amour et la mort.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 04-11-2008
Théâtre Océan Nord
Présentation du spectacle :
Résumé :
Dans « La vie au bord du puits », il sera question de mémoire, du fil de la
mémoire, de la volonté de relier un être à ses origines. Le projet s’articule
autour du témoignage d’une femme : Germaine Thomas née en Haute
Bretagne en 1925. A partir de ses souvenirs, toute une époque transparaît,
celle de la révolution industrielle et d’une société en plein bouleversement.
L'affiche :
Avec :Marie-Rose Meysman, Guilhem Maréchal, Candy Saulnier et Baptiste Vaes