Lassé de la vie, désabusé, un homme regarde son revolver.
Le suicide lui semble la seule extrémité à apporter à une existence sans but et sans relief.
À force de fixer l’instrument de sa délivrance, le sommeil va s’emparer du désespéré et le transporter dans un monde totalement onirique.
Cette plongée dans l’utopie et son réalisme lui donnera le sens qu’il recherchait jusque-là en vain.
Écrite en 1877, ce texte de Dostoïevski a gardé toute sa poignante vérité et son retentissement philosophique.
Il transforme la vie étriquée et égoïste d’un solitaire en celle d’un généreux altruiste visionnaire, par le miracle de la portée imaginative d’un rêve peut-être prémonitoire.
Exercice théâtral particulièrement difficile pour beaucoup, ce monologue d’une heure dix demande au comédien présence et sens de la scène pour maintenir en haleine le public.
Sandrine Laroche, la metteuse en scène, a confié ce rôle délicat à son père Pierre Laroche.
Le duo père-fille nous propose une vision visuellement et musicalement très réussie.
L’aîné, malicieux et presque primesautier conquiert d’emblée les spectateurs en se transformant fou chantant avant d’endosser le costume d’homme ridicule.
Sur le fil du rasoir, l’émotion à fleur de peau, le comédien nous emporte dans un monde onirique, dans la spirale vertigineuse qui sert de frontière entre la folie et la réalité.
Les mots de Dostoïevski en deviennent d’une limpidité éclatante.
La cadette a dirigé son père de façon discrète et attentive, magistralement épaulée par le travail visuel de Maximilien Westerlinck), la scénographique de Benoît Joveneau et l’habillage sonore d’Olivier Thomas.
Le labeur imaginatif et inspiré des uns et des autres permet de percevoir à merveille les motivations de l’auteur.
Le tout devient un émouvant témoignage, l’ébauche d’une remise en question que chacun choisira de mener à bien si le cœur lui en dit.
Cependant selon les soirs, la présence et les interventions de Diana Van Gucht, l’aide-mémoire omniprésente de l’acteur, plombent un peu cette magie théâtrale et font tomber à plat le lyrisme de certaines envolées.
Le rêve d'un homme ridicule se révèle donc une rencontre de tout premier plan avec un de nos tout grands comédiens belges, mais elle risque aussi selon les failles mnémoniques du septuagénaire de s’avérer décevante pour un public exigeant l’impeccable peu enclin se laisser happer par la sublime interprétation de Pierre Laroche (malgré ses petites faiblesses occasionnelles).
Muriel Hublet
Spectacle vu le 07-02-2009
Théâtre Le Public
Présentation du spectacle :
Résumé :
Un homme qui depuis toujours se trouve ridicule décide de mettre fin à ses jours pour trouver le néant.
Une rencontre va cependant bouleverser ses projets. Il s’endort et rêve de sa mort. C’est au travers de ce songe que notre désillusionné fera son chemin initiatique.