Dans le noir d’une nuit déchirée par le crépitement des armes automatiques et le tournoiement des hélicoptères, deux hommes attendent l’autorisation de franchir un check-point.
Derrière les barbelés, l’espoir.
Autour d’eux, l’angoisse suintante glace leurs sangs.
Inconnus, il y a quelques heures, ils sont devenus involontairement compagnons de route et de d’infortune.
Pour tuer le temps, pour repousser les sombres pensées qui les agitent, pour faire taire un instant la peur qui les tenaille, ils vont évoquer leurs passés respectifs.
Un évènement marquant, une préférence, un souvenir douloureux ou un instant de bonheur, de ces quelques bribes qui s’échappent de leurs esprits vont naître l’esquisse de deux personnalités en apparence très différentes.
Le texte d’Hugues Hausman est habilement vague et paradoxalement très évocateur.
Pas de contexte précis, pas de lieu clairement défini, pas de conflit nommément cité, chaque spectateur est libre de tout imaginer.
L’auteur en fait de même pour ses deux personnages, Nicolas, la jeune brute bourrue et Gus le vieux lettré sans cesse sur le qui vive.
Au travers de leurs quelques confidences ou de leurs demi-aveux, c’est la guerre et ses innombrables dommages qui sont évoqués avec beaucoup de pudeur.
Si le propos n’est pas neuf, ni même éclairé d’un regard nouveau, il a le mérite d’exister et de continuer à sensibiliser nos esprits à des situations qui n’ont rien d’exceptionnel et qui ne se passent pas forcément aux antipodes.
Embrigadement de la jeunesse, la torture, lavage de cerveau, crainte servile, arrestations arbitraires ou sadiques abuseurs de pouvoirs sont clairement présents et remettent sans cesse face-à-face bourreaux et victimes.
Sur scène, Guy Cohen (formidable Gus) nous émeut dans ce rôle d’homme arrivé au bout de la vie et de l’espoir, qui tente de cacher les blessures de toute une existence.
Son compagnon d’infortune, Hugues Hausman, nous propose une excellente interprétation de cet enfant sensible qui a grandit à coups de ceinture pour devenir une brute sanguinaire avant de se rebeller contre l’ineptie de sa jeunesse.
A leurs côtés, Bertrand Leplae incarne toute la froide détermination du sadique garde-chiourme.
Efficace, la mise en scène d’Alexandre Drouet rythme habilement l’émotion et les explosions de la violence sans cesse sous-jacente. Intelligemment, elle marie les silences au décor sonore réaliste concocté par Joey Van Impe.
Cynique et cruelle, cette fable drôlement réaliste recadre la violence dans un quotidien pas forcément éloigné du nôtre.
Avec entre les lignes humour et tendresse, Check-point
bouscule nos vies bien tranquilles.
Proche banlieue, quai de métro, capitale détruite, guerre ethnique ou religieuse, peuple contre peuple ou frères contres frères, chacun anticipera ainsi la concrétisation de ses craintes et qui sait y puisera peut-être la force de réagir ou de réfléchir.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 15-04-2010
Centre Culturel d'Evere
Présentation du spectacle :
Résumé :
A l'aube du XXIème siècle, quelque part en Europe, deux hommes qui
tentent de fuir un pays déchiré par la guerre civile se retrouvent bloqués à
un check point, obligés d'attendre tandis que le monde autour d'eux sombre
dans le chaos.
L'affiche :
de Hugues Hausman
Avec : Hugues Hausman, Guy Cohen et Bertrand Leplae