A la Folie Tchekhov
Le théâtre de la Flûte Enchantée clôture sa saison sur une série de courtes de pièces (Les méfaits du tabac, L’ours, Tragédien malgré lui, La demande en mariage) d’Anton Tchekhov.
Chacune marie vaudeville, situations comiques et intensité dramatique tout en décortiquant le couple et ses travers.
Chez Tchekhov, chaque personnage se caractérise par une certaine folie.
Chacun est enfermé dans ses espoirs et ses contraintes, mais tous ont comme point commun une forme de lâcheté et une belle dose de mesquinerie. Anton Tchekhov croque réalistement, mais non sans tendresse, ses contemporains.
Le metteur en scène, Jean-Luc Duray, a volontairement opté pour une exploration ou une mise en exergue de la folie.
Les méfaits du tabac (superbement servi par François Vartels) vous prendra à la gorge tant, au-delà l’interprétation prenante, on est sans cesse sur le fil du rasoir entre cocasserie et poignante détresse d’un homme tyrannisé par sa femme.
On y fourrage dans les méandres d’un cerveau soumis, enfermé dans son silence et sa perpétuelle acceptation de son sort, mais aussi on y perçoit les tentatives d’envol d’un oisillon qui essaie de s’envoler loin de sa cage pas du tout dorée.
La version de L’ours, défendue par Tania Spruch, sort allégrement des sentiers battus et explore très profondément non plus la simple folie, mais quasiment la paranoïa.
Cette pièce, généralement jouée par un couple, devient ici le monologue d’une femme seule.
Irritant, dérangeant, perturbant, on ne sait trop s’il s’agit de délire ou de réalité, si le personnage est une frustrée, une déséquilibrée ou une nymphomane.
Une ambivalence complexe, qui en surprendra plus d’un, mais qui correspond en tout point à ce choix de mettre en exergue la folie.
De la démence sensuelle à l’esprit au bord de l’explosion, Tragédien malgré lui vous entraînera à la découverte d’un homme transformé en bête de somme par sa famille. Difficile de rester impassible devant tant de déboires et face à une victime (un énergique Jean-Luc Duray) de l’absurdité et d’une smala de profiteurs.
Après cette jolie série d’éclats de rire et l’entracte, La demande en mariage offrira l’apparition d’un futur époux tremblotant à l’idée de faire sa demande (une interprétation sans un instant de répit d’un Jean-Luc Duray bourré de tics à n’en plus finir), d’une promise têtue et opiniâtre (Tania Spruch) et d’un beau-père (excellent François Vartels) décidément bien prompt à vouloir se débarrasser de sa fille.
C’est donc à une sorte de concert, en demi-teinte, entre allegro et agadio, entre burlesque et dramuscule, entre amour et haine, entre passion et injustice que vous êtes conviés, à la découverte de La Folie Tchekhov.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 05-07-2009
Théâtre de la Flûte Enchantée
Présentation du spectacle :
Résumé :
Une soirée chez les fous à travers des petites pièces férocement comiques. Personnages décalés, déjantés, écrasés par un quotidien absurde, drôle jusqu’au désespoir où le public rit pour ne pas pleurer avec ces anti-héros pitoyables.
Bienvenue dans un monde où l’on s’effraie parfois tout seul en se reconnaissant.
L'affiche :
d’Anton Pavlovitch Tchékhov
Avec : François Vartels, Jean-Luc Duray et Tania Spruch