Bossemans et Coppenolle (de Paul van Stalle et Joris d'Hanswijck) et Le mariage de Mademoiselle Beulemans (de Jean-François Fonson et Fernand Wicheler) font partie intégrante de l’esprit bruxellois.
Jouées des milliers de fois en Belgique et à l'étranger, ces pièces font désormais parties du patrimoine belge à part entière.
Outre l’accent belgo-belge considéré comme si savoureux outre-Quiévrain, c’est surtout son caractère frondeur et une fameuse dose de zwanze qui en ont fait le succès mémorable et, qui continue, de nos jours, à attirer les spectateurs dans les salles de théâtre.
Oser créer un second volet à un de ces monuments sacrés est donc un formidable pari doublé du risque de paraître un véritable sacrilège.
S’il n’en est pas à son premier texte en bruxellois, Raymond Pradel s’attaque à un gros morceau : imaginer une suite plausible aux amours de Mlle Beulemans et de son parisien de prétendant en y maintenant l’humour, la dérision et la pertinence.
C’est donc mitigé entre crainte et espoir que beaucoup s’installent dans leurs fauteuils.
Une certitude les anime pourtant, ce soir… ils vont rire.
Force est de reconnaître très vite que la gageure est relevée, que L’héritage des Beulemans est bien dans la même veine que Le mariage de Mademoiselle Beulemans.
L’auteur, Raymond Pradel, a concocté un véritable arbre généalogique, en créant une saga de femmes à poigne, d’amoureuses de la gueuze et de la vie.
Sa Suzanneke n’a rien à envier à son ancêtre, elle a une pareille opiniâtreté et ténacité.
Elle est aussi éprise d’un fransquillon.
Sauf que cette fois, il s’agit d’un député européen qui ne rêve que de normalisation et de production unifiée sous la bannière bleue étoilée.
Sa dernière prodigieuse idée pour attaquer les marchés non européens : pasteuriser le lambic.
Soit provoquer la mort subite de toute une corporation, la disparition de tous les brasseurs des bords de Senne.
Le sang de la digne héritière ne peut que bouillir
Nous n’en dévoilerons pas plus sur le scénario.
Le spectacle est sympathique et séduit largement les spectateurs.
Farce bruxelloise, zwanze sont au rendez-vous.
Sur scène, Michel Hinderyckx, Michèle Robson, Noël Baye, Colette Sodoyez et Jacques Van Den Biggelaar se glissent dans les personnages imaginés par Raymond Pradel.
Ce dernier, souffrant, n’a pu endosser son rôle et a donc dû céder sa place à Noël Baye.
Si on perçoit encore quelques flottements, tous sont unanimes pour se délecter, sans restriction, la prestation de Jacques Van Den Biggelaar.
En comptable épris de sa patronne, obséquieux, curieux et envahissant, il réjouit par son interprétation expressive qui jamais ne tombe dans le surjeu.
On appréciera également le pointu parigot de Michel Hinderyckx.
Il faut dire que les Français et l’Europe en prennent pour leurs grades dans cette farce généreuse et zwanzeuse en diable.
Pas de pâle imitation, de grossiers plagiats, mais plutôt un hommage respectueux, L’héritage des Beulemans bénéficie d’un souffle rafraichissant et surfe sur le fil d’une actualité qui nous est familière et nous amuse autant qu’elle persifle sur nos politiciens.
Naturellement, les esprits chagrins trouveront à critiquer et à mégoter sur les expressions bruxelloises comme saupoudrées de-ci de-là et manquant parfois d’un certain naturel.
Mais potferdek, c’est pas en stoemmelings, mais volle gaz qu’il faut se rendre au Centre Culturel des Riches-Claire
Muriel Hublet
Spectacle vu le 21-09-2010
Centre Culturel des Riches-Claires
Présentation du spectacle :
Résumé :
Il y a 100 ans était créée la désormais incontournable pièce «Le mariage de Mademoiselle Beulemans». Pour ce prestigieux anniversaire, nous vous proposons une suite à cette histoire, écrite cette fois par Raymond Pradel.
L'affiche :
De et à la mise en scène : Raymond Pradel
Avec : Michel Hinderyckx, Michèle Robson, Raymond Pradel, Colette Sodoyez et Jacques Van Den Biggelaar
Le décor est pauvre et moche, chaises tubulaires anachroniques, murs moutarde ou blondasse, affiches Beulemans, photo d’ancêtre et scène breughélienne, rien du goût du jour. En cinquante ans par contre, l’Europe a fait du chemin, hymne à la j...