Je t’aime moi non plus
Un couple usé, ravagé par la vie, qui n’a plus aux lèvres que l’écume des reproches et pour tout mot d’amour la hargne et la rage, reproduit chaque jour les gestes d’un quotidien bancal, d’une réassurance brutale.
Lui (Philippe Jeusette) boit pour oublier son horizon bouché et sa faillite personnelle, se laisse emporter dans des délires de plus en plus fascistes réprimant violence et souffrance.
Elle (Valérie Bauchau), épuisée de ce comportement répétitif, ne réagit plus que laconiquement, esquivant les provocations avec l’habilité d’un toréro devant un taureau furieux.
Sans pour autant s’empêcher de-ci de-là d’assener de virulentes et caustiques banderilles.
Drame social, Occident n’a pourtant rien de pitoyable ou de larmoyant. Les dialogues de Rémi De Vos sont vifs, rythmés, piquants, mordants, crus, amers.
On rit, on sursaute indignés, on se reconnaît dans cette mauvaise foi suintante.
On savoure les réparties jouissives, les éclats vitriolés, les regards assassins. Les mots volent comme autant de poignards, visant soigneusement là où cela fait le plus mal, faisant mouche à chaque fois.
Racisme primaire, alcoolisme, désœuvrement, peur de l’autre, incapacité à exprimer ses sentiments, fuite en avant, tout y est dans ce portrait drôlement réaliste des ravages de la routine, des non-dits et autres silences politiquement corrects.
Impressionnants de maîtrise de bout en bout, Valérie Bauchau et Philippe Jeusette portent le spectacle avec fougue et finesse, subtilité, fragilité et dureté.
Précise et ramassée, la mise en scène de Frédéric Dussenne innove en introduisant quelques chansons de Michel Sardou (interprétées par les comédiens). Si de prime abord ce parallélisme surprend, très vite on en perçoit toute la saveur et la portée entre les paroles judicieusement choisies et le clichéisme des comportements.
Il transforme Occident en un véritable uppercut : comédie et drame, rires et larmes, l’homme dans toute sa (dé)splendeur …
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Muriel Hublet |