Moi, je ne crois pas ou l’art de commencer une dispute. C’est par cette petite phrase que Monsieur asticote sa chère et tendre quasi tous les soirs.
Dans leur couple, peu de dialogue, peu d’effusions, peu de gestes affectueux, mais une routine axée sur la télévision et leurs chicaneries.
Les trente-sept centimètres de longueur de l’ex, Hitler, le Yéti, Darwin, le lobby juif, tout y passe avec une mauvaise foi très caractérisée d’Henri et une certaine forme de naïveté ou d’innocence dans le chef de Solange.
Dans un décor rose vieillot (Dimitri Shumelinsky), les jours se suivent et se ressemblent, rythmés par les querelles, les reportages animaliers et la chanson Come Prima (dans ses diverses versions, dont celle de Dalida).
L’auteur français Jean-Claude Grumberg nous distille des dialogues finement ciselés, qui valsent entre rires et larmes.
Si on y retrouve ses thèmes de prédilection (l’oubli, les juifs, le racisme…) sa peinture vitriolée de notre société, bien peu tolérante, souvent muselée sur ses états d’âme, charme et dérange tout à la fois. Entre les silences de la routine et la sensation d’étouffement et d’étriqué qui émane du couple, l’humour cinglant ou cynique de leurs réparties séduit, provoque sourires et éclats de rire.
La mise en scène de Vincent Dujardin distille quelques éléments originaux comme cet élément de décor qui laisse apparaître des photos joliment kitsch telle la parfaite femme d’intérieur style affiche du Salon des Arts Ménagers.
Paradoxalement, cette première surprise s’émousse à force de répétitions.
Le début de la pièce est assez rapide, nous volons quasi d’une escarmouche à l’autre.
Inévitablement, ces querelles mesquines sont comme un miroir dans lequel nous ne pouvons que voir notreégocentrisme vaniteux et notre individualisme de plus en plus forcené.
Annoncé comme des joutes verbales désopilantes, très vite le tempo se ralentit et derrière l’absurde acerbe des propos, on tombe dans la désespérance d’un quotidien banal et étriqué, d’un couple qui n’a plus rien à se dire, les mots sont usés, les épaules affaissées, les charentaises se traînent lamentablement.
Reste au-delà de cette décrépitude et cette monotonie pitoyable, l’amour jamais avoué, jamais prononcé qui unit ce couple en apparence mal assorti.
Superbement interprété par Patricia Houyoux et Éric De Staercke (qui nous révèle ici une facette dramatique bien peu connue de son public), Moi, je ne crois pas est un spectacle ambivalent qui ne laissera personne indifférent.
Une fois de plus, Jean-Claude Grumberg réussit son pari de nous ouvrir les yeux, sur nos égarements.
Reste que la vie de ce couple est plutôt noire de noir et qu’il est difficile, voire dérangeant, de concevoir qu’une telle existence est possible et réelle, que nous croisons chaque jour des Henri et des Solange.
Pire mieux, n’en sommes-nous pas aussi ?Ce spectacle, véritable petit bijou tant au niveau du jeu des comédiens qu’à celui du texte est à voir en connaissance de cause.
Seuls ceux qui ne recherchent que le rire sur base de la référence aux Bidochon du résumé risquent d’être un tantinet déçus
Muriel Hublet
Spectacle vu le 05-08-2011
Festival Royal de Théâtre de Spa
Présentation du spectacle :
Résumé : Le couple dans tous ses états
Quelque part entre l’univers de Beckett et celui des « Bidochon », un couple se chamaille à qui mieux mieux. Madame veut croire à tout et Monsieur ne croit à rien.