Où est la réalité, où est le cauchemar dans les pensées qui assaillent un jeune soldat ?
L’auteur Gilles Granouillet a concocté un véritable huis clos mental.
Il nous plonge dans les méandres tourmentés d’un esprit, qui à l’image de la scénographie de Vincent Lemaire, une pièce étriquée au plancher pentu, semble être un entonnoir où tourbillonne et s’entrechoque espoirs inassouvis, frustrations, reproches, remords, solitude, besoin d’amour, etc.
En mission de la paix dans un de ces nombreux pays à sécuriser, il s’est engagé dans l’armée pour fuir une scolarité piteuse, des relations familiales houleuses plus particulièrement avec sa mère.
Déconcertant, dérangeant et glaçant, La Maman du petit soldat est comme observer une mouche enfermée sous un verre, sauf que vous ne distinguez pas vous-même les parois, leurs emplacements ou le tangible de celles-ci.
Comment se fier à ses sens, comment poser un jugement quand toutes nos perceptions sont chamboulées ?
Dans ce conte glauque et lugubre, Gilles Granouillet remet tout en question.
Peccadilles et problèmes de société, affectif et généralités, tout y passe de la justesse des sentiments aux ignominies de la guerre en passant par la routine protectrice, l’importance de la famille, l’instinct maternel, la capacité à aimer, le besoin d’apprendre, l’intérêt de l’anglais, etc.
Plus qu’un récit, La Maman du petit soldat est un texte impressif, un moment perturbant et pénétrant pour pousser à la réflexion et chambouler les esprits réceptifs.
On ne peut donc que féliciter le travail de Philippe Sireuil qui nous livre une mise en scène précise, sobre, suggestive qui semble idéalement conçue au détail près pour servir, souligner ou amplifier les mots de Gilles Granouillet.
On appréciera tout autant son choix d’acteurs qui confie le rôle de la mère, femme de marbre au sang de glace, au comédien suisse Roland Vouilloz, une option qui pourrait paraître étonnante, mais qui pourtant crée une ambiance et une distanciation incroyable, la fille-sœur, toute en pudeur et en retenue, est incarnée par la formidable Edwige Baily tandis que Felipe Castro prête ses traits à la souffrance, à la violence, à la folie, à la solitude et aux excès du fils-soldat. La Maman du petit soldat mérite que l’on laisse de côté ses préjugés et que l’on aborde l’esprit ouvert ce spectacle peut-être d’accès difficile, mais qui ose lever bien haut le couvercle que nous rabattons pudiquement sur certaines poubelles putrides qui encombrent nos vies.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 16-02-2012
Rideau de Bruxelles
Présentation du spectacle :
Résumé :
Je n’ai pas quitté ma mère
pour qu’on parle de moi
comme d’un nain ; je l’ai
quittée pour devenir un géant.