Comme les hirondelles annoncent le printemps, Sois Belge et tais-toi est le prélude rieur et frondeur au bilan politique.
Mais entre mai 2010 et novembre 2011, tout n’a été, en Belgique, qu’immobilisme et ronds de jambe diplomatiques.
Les sept comédiens et humoristes risquaient donc d’avoir bien peu de raisons de zwanzer. Pire on se les imaginait déjà (à tort) devoir faire comme nos politiciens : tourner en rond.
Ils ont pourtant réussi à épingler le piquant, le paradoxal, le théâtral et le ridicule de cette négociation qui a battu tous les records.
Le comportement de nos dirigeants, leurs petites phrases assassines ou mesquines, leurs bouderies enfantines, leur ton revanchard digne des cours de maternelle, leurs sempiternelles accusations du style « C’est pas moi qui ai commencé » deviennent, au travers de la lorgnette déformante qu’ils nous tendent, drôles, piquants et surtout criants de vérité.
Ici tout est étudié, chaque détail, chaque silhouette, chaque geste, chaque intonation, on peut quasi les yeux fermés voir Elio Di Rupo, Joëlle Milquet, Laurette Onkelinks, André Flahaut, Yves Leterme, Francis Delpérée, Wouter Beke, Alexander De Croo, Charles Michel et naturellement Bart De Wever…
La première partie du spectacle est centrée sur notre petit pays et ses grands hommes.
Faute probablement de suffisamment d’actualité politique, le discours s’est fait plus incisif, plus observateur et très second degré.
Les rires restent bels et bien d’actualité, mais les spectateurs qui ont suivi de près les circonvolutions politiques ne manqueront pas d’être subjugués par ce décodage très pertinent.
S’il y a de quoi parfois frémir devant de tels manipulateurs, flambeurs et autres eurs de rigueur, on ne peut qu’applaudir une telle pertinence et un pareil don pour lire entre les lignes, pour démystifier les grands discours de nos Pieds Nickelés.
La seconde partie fera la part belle à l’Europe et notamment à DSK, Sarkozy et Merkel, et la famille royale.
Là où l’on pouvait craindre la redondance, Sois Belge et tais-toi reste assez fidèle à lui-même.
On retrouve avec plaisir la caricature, le souci du détail poussé à l’extrême, l’humour irrévérencieux et inventif mariant sans méchanceté gratuite calembours et contrepèteries.
Impossible de ne pas reconnaître le travail titanesque accompli tant en écriture et en imagination, qu’en mise en scène, réglages, cours de danse ou de chant.
La cuvée 2011-2012 est plus aboutie, plus subtile, plus affinée.
Elle séduira et surtout interpellera les amateurs de second degré.
Mais tout le monde y trouvera son compte (ou se fera régler le sien) de rires, d’amusement en voyant ainsi brocarder les Petits Monsieur qui jouent dans la cour du 16 rue de la Loi.
Muriel Hublet |