Notre critique de Autrefois il faisait jour jusqu'à minuit
Les sables mouvants de la mémoire
Comment vivre la mort d’un proche ?
Comment accepter une perte pour mieux se retrouver ?
Comment accepter la vie et le bonheur ?
Auteure et metteuse en scène, Brigitte Baillieux pose ces questions et interpelle dans un spectacle tout en finesse et poésie.
Elle tisse les fils d’une toile aérienne, forte et fragile qui font percevoir la détresse de deux femmes, mère et fille, confrontées au décès du mari et père.
Chacune est seule face à son chagrin, ses regrets, sa solitude.
Trop souvent, on dit faire son deuil sans penser à tout ce qu’il y a derrière : tourner les pages du livre de sa vie, y relier son passé, compter ses échecs, réanimer ses rancunes, réveiller ses frustrations, raviver ses souffrances, se perdre dans le flot doux, âcre, amer, douloureux, apaisant, tendre des souvenirs.
C’est ce cheminement que Brigitte Bailleux évoque avec beaucoup de pudeur et de sensibilité.
La mère (formidable Françoise Oriane) est renfermée dans sa détresse, égarée dans les méandres d’une mémoire qui se désagrège au fil du temps et qui trouble ses perceptions.
La fille (Candy Saulnier), à travers les lettres que son père a écrites pendant son enfermement dans un camp de prisonniers allemand, fait revivre le défunt pour mieux crier sa solitude d’enfant rejetée par son frère, incomprise d’une mère désormais encore plus absente que pendant son enfance et confrontée à tous les choix et devoirs d’un enterrement.
À ses côtés, sorte de chœur ou d’écho, Cachou Kirsch et Mathilde Schennen reprennent les mots, les amplifient, les approfondissent ou complètent le récit des deux femmes.
Silencieux tout de long, Alexandre Tissot est le mari, le père, le frère, l’amant, le présent et l’absence, il exprime par la danse les émotions et les douleurs muettes, il est le reflet de la vie et l’ombre dans le miroir.
Si les premières minutes peuvent paraître déroutantes avec ces bribes d’histoires familiales entremêlées de citation du romancier américain Jim Harrison, très vite on se laisse subjuguer par la beauté éthérée de l’inventive scénographie Patricia Saive délicatement soulignée par les éclairages de Laurent Kaye. Autrefois il faisait jour jusqu'à minuit est fruit du travail de toute une équipe qui intensifie et donne toutes ses lettres de noblesse aux mots de Brigitte Bailleux.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 10-01-2012
Rideau de Bruxelles
Présentation du spectacle :
Résumé :
Une histoire de famille qui parle de transmission, de perte de la mémoire, et de deuil aussi.
Un texte vibrant traversé par la figure du romancier américain Jim Harisson.
Un spectacle où la parole se suspend pour laisser place, par instants, au corps qui danse, et à la musique, de
Purcell aux Sex Pistols…