Après Faut y aller, avec la lumineuse et énergique Marie, la femme forte et réfléchie, avec En toute inquiétude Jean-Luc Piraux nous revient avec un personnage tout aussi attachant dont il expose les fêlures avec une tendresse lucide.
Une nouvelle fois, il plonge dans ses souvenirs, explore ses racines, pour nous présenter Séraphin, son père.
Un homme déboussolé par l’évolution de la vie, la jungle moderne où l’on a vite fait de s’égarer, d’être perdu, sans repère, de devenir obsolète avant l’âge.
Séraphin va être piégé, un peu comme un insecte qui se cogne aux parois de verre d’une prison dont il ne comprend ni ne perçoit les murs.
Il avait un travail, une identité, une valeur sociale et du jour au lendemain tout s’effondre autour de lui.
Père en souffrance, travailleur sans avenir, mari dévalué, Séraphin est un peu de nous, un miroir que l’on nous tend pour nous faire percevoir que bosser n’est pas tout, que perdre son job n’est pas une maladie honteuse, que dernières certaines cuites, par-delà les silences ou les colères peuvent se cacher bien des souffrances.
Le sujet du spectacle pourrait paraître prise de tête, peut-être, pourtant, on rit beaucoup, énormément, quasi du début à la fin, de la gestuelle et des mimiques de Jean-Luc Piraux tout d’abord, de ses digressions, de son air de Pierrot lunaire, de ses mots, de sa faconde pour se glisser d’un rôle à l’autre, d’une scène à l’autre, pour oser interpréter sans gêner, sans choquer Émile le chromosome sauvage avec énormément de gentillesse et de tact, sans moquerie, avec un naturel confondant, sans heurter quiconque.
On assiste à une forme de parler-vrai, avec le cœur où les personnages ont leur charme fragile, leur force tranquille, sont les héros du quotidien, des proches, des voisins, des nous.
Avec En toute inquiétude, Jean-Luc Piraux nous propose une sorte de thérapie par le rire, l’humour et la tendresse, pour nous montrer son Mon père, ce Héros, un homme de notre train-train routinier, qui morfle, doute, souffre et lâche prise. Honteux ? Inavouable ?
Ou tout simplement … humain ?
Et si En toute inquiétude était comme un signal avertisseur à entendre d’urgence avant qu’il ne soit trop tard, avant que nous aussi ne passions à côté des silences si criants si emplis de non-dits de nos proches ?
Il y aurait de quoi s’inquiéter de ne pas sauter immédiatement sur l’occasion non ?
Muriel Hublet
Spectacle vu le 12-08-2012
Festival Royal de Théâtre de Spa
Présentation du spectacle :
Résumé :
Séraphin, la cinquantaine, cadre dans une grande entreprise, vit sans se poser la moindre question sur son avenir ou sur celui du monde. Jusqu’au jour où, sans avoir rien vu venir, il est licencié.