Le producteur de bonheur, quel titre !
Une vraie promesse, un peu comme une de ces pierres fétiches que l’on tourne et retourne, caresse et invoque dans le secret de notre poche.
Dieu sait que nous rêvons tous d’avoir le nôtre, là tout proche, sorte de marraine fée moderne, de pouvoir frapper à sa porte ou le voir pousser la nôtre un soir pour changer à jamais notre vie.
C’est ce qui va arriver à Lapidus (Alexandre Dewez), serveur dans un bar miteux, quand Ojbaba vient s’affaler à une table et commencer à écluser les vodkas.
Sorte de clochard impécunieux, le drôle a une verve incroyable et fini non seulement par soutirer quelques verres au récalcitrant, mais aussi à le convaincre de partir en voyage vers une île improbable dont il se propose d’en faire le roi.
Naïveté, crédulité, oui certainement, mais c’est si beau de croire non ?
Les deux compères s’embarquent dans une série d’aventures qui vont leur faire visiter la Slovaquie communiste des années soixante, leur apprendre la liberté, les magouilles et le sens des valeurs.
Du génie inventif d’Ojbaba (formidable Robert Guilmard, à la fois profond et clownesque), naissent des idées cocasses en diable pour tenter d’enrichir, frauduleusement bien entendu, les deux hommes.
Bien plus qu’une peinture d’une époque, d’une révolte contre le conformisme, Le producteur de bonheur de Vladimir Minác, traduit par Maja Polackova et Paul Emond, met en avant deux pauvres hères, deux sans nom, deux sans grade, l’un filou l’autre benêt fini, des gens de 3e catégorie (comme dit dans le texte).
Le génie du récit est qu’ils deviennent attachants et sympathiques par delà le burlesque des situations concoctées par l’auteur.
Tendre, complexe, un peu fou, touchant, grave parfois derrière le rire et les propos frondeurs, Le producteur de bonheur séduit voire subjugue.
La mise en scène de Nele Paxinou, par son inventivité et sa diversité, garde (voire amplifie) la complexité et la richesse du texte. Véritable mélange des genres, théâtre, musique, intermèdes mimés, morceaux circassiens, jeux de lumière, costumes, tout s’enchaîne, rien ne se répète.
Si l’on a tendance à épingler tout particulièrement le travail réalisé sur la mise en espace des cauchemars d’Ojbaba tant le résultat en est bluffant et captivant, il serait dommage de ne garder en mémoire que des cachets sauteurs, des procureurs armés de gants de boxe, une roue, un miroir, une clé qui parle et quelques anges. Le producteur de bonheur est deux heures de voyage, direction ailleurs, vers le pays des possibles, en prenant la chaussée des Si, en fermant les yeux, guidés par l’énergie contagieuse et le talent de toute une équipe, d’une troupe, des Baladins du Miroir (avec sur scène Robert Guilmard (Ojbaba), Alexandre Dewez (Lapidus), Jimena Saez (la veuve), Sophie Lajoie (Kataerina), Diego Lopez Saez, Geneviève Knoops (l’épouse du peintre), David Matarasso, Simon Hommé, Aime Morales Zuvia et aux instruments Grégory Houben ou Johan Dupont, Aurélie Goudaer, Wout De Ridder)…
Quoi ?
Vous êtes encore là ?
Pas encore en route ?
Muriel Hublet
Spectacle vu le 12-08-2012
Festival Royal de Théâtre de Spa
Présentation du spectacle :
Résumé :
Frantichek Oïbaba, surnommé « le producteur de bonheur » est un arnaqueur au verbe haut et bien assuré, un séducteur prêt à toutes les embrouilles plus énormes et cocasses les unes que les autres. Dans la Slovaquie communiste du début des années ’60, l’énergumène cherche à s’enrichir par des moyens frauduleux, s’instituant porte-parole de la liberté et de l’individualisme.
Une tache de couleur écarlate dans le monde uniformément gris de la société bureaucratique générée par le régime.
L'affiche :
De Vladimir Minac
Avec Wout De Ridder, Alexandre Dewez, Aurélie Goudaer, Robert Guilmard, Simon Hommé, Greg Houben, Geneviève Knoops, Sophie Lajoie, Diego Lopez Saez, David Matarasso, Aime Morales Zuvia, Jimena Saez