Boomerang : objet volant revenant vers son point de départ.
Tout commence par une ex-actrice, professeure de théâtre, qui entreprend de démolir (le verbe est faible), son élève.
L’apprenti comédien se fait étriller, esquinter, à mots durs, blessants, humiliants, enrobés de-ci de-là d’une fausseté mielleuse.
Ses rêves s’écroulent, comme pulvérisés, piétinés par la hargne d’une harpie dont on perçoit difficilement les motivations.
La pièce de Bernard da Costa est divisée en deux.
Dans la première partie, les phrases acides pleuvent, le jeune homme est accablé, effondré, au bord du suicide devant ce qui est une démolition en règle, une forme violente et virulente de harcèlement moral, de perfide et méticuleuse destruction psychologique.
Le second volet sera un véritable huis clos dans l’appartement miteux de la comédienne déchue.
Dans une sorte de cruel jeu du chat et de la souris, comme deux adversaires, ils s’y déchirent à grands coups de griffes.
Comme deux fauves, léchant leurs plaies sanglantes, masquant leur souffrance, ils continuent, sans pitié, à essayer de blesser mortellement l’autre.
Et sans cesse, entre les deux, le boomerang part et revient, atteint t’il vraiment sa cible, comme l’objet de chasse voulu par les aborigènes, avant de retomber dans les mains du lanceur comme dans le jeu offert aux enfants ?
A force de vouloir étiqueter chacun, de le juger, de l’évaluer, de le classifier, ne risque t’on pas de se tromper, de mal le mesurer, d’utiliser une échelle de valeur éculée ou d’avoir sur le nez des lorgnons drôlement inefficaces ?
Isabelle (Jacqueline Préseau) et Pierre (Frédéric Genovese) vont mettre à nu des vérités soigneusement enfouies au fond de leurs inconscients respectifs, de ces tristes barbouilages qui noircissent le paysage et que l’on préfère se cacher, oublier, omettre, feindre ignorer, pour pouvoir continuer à exister avec une image de nous-mêmes projetée acceptable.
Être ou paraître…
Dans sa mise en scène, et au travers des mots de Bernard Da Costa, Françoise Licour fait voler en milliers d’éclats le miroir des apparences, en jonche le sol et laisse ses deux acteurs s’y égratigner, s’y écorcher, s’en écharper, se lapider respectivement, s’en poignarder, etc.
Y aura-t-il un vainqueur ou un vaincu ?
À découvrir sur scène ?
Une chose est sûre, cette vision quasi intimiste nous fait les témoins privilégiés, presque des voyeurs, de deux déchéances, de deux douloureuses plongées en soi mêmes.
Sentiments, sensations, émotions, mais aussi tendresse et humour sont donc au rendez-vous d’un Boomerang qui offre à Jacqueline Préseau et Frédéric Genovese deux rôles en or.
Muriel Hublet |