Régulièrement, on me demande pourquoi j’aime le théâtre.
Là, maintenant, tout de suite, je vous répondrais pour des pièces comme Rien à signaler.
Des spectacles qui vous laissent K.O debout, le cœur à l’envers, remué jusqu’aux tripes, qui vous obligent à vous interroger sur vous-même, à vous remettre en question, à sortir de votre immobilisme sécuritaire.
Assis dans notre siège de spectateur, nous sommes voyeurs, presque complices, muets, interpellés par le drame qui se déroule sous nos yeux.
Mais quel drame ?
Pas de sang, pas vraiment de violence, tout n’est que suggestions dans cette ambiance malsaine de banlieue étroite et glauque (scénographie d’Olivier Wiame).
Pas de jugement, pas de prise de position, juste la lecture de faits, vus sous divers angles et de la manière de les interpréter, de les faire converger, de les comprendre, de les intérioriser ou de les rejeter dans une belle et généreuse indifférence.
Qu’est-ce alors que Rien à signaler ?
Un couple et leurs deux voisins vont vivre devant nos yeux les derniers jours avant la mort de l’enfant, faute de soins, d’attention.
Comment en est-on arrivé là ? Qui est en tort ?
Vous n’aurez pas de réponse à vos questions. Rien à signaler met en évidence les mécanismes de la violence et des sévices et ceux, implacables de l’indifférence glacée, sans vous heurter, sans vous prendre de front, sans jamais chercher à choquer.
Le texte de Martin Crimp est piqué d’humour, les comportements de ses personnages sont naturels, innés.
Silences, regards, non-dits, gestes ébauchés, lumières diffuses, la mise en scène de Georges Lini est un véritable et complexe emballage composé d’instants précieux et judicieusement imaginés pour susciter l’émotion et nous secouer (très fort).
Côté comédiens, Valérie Lemaître excelle en jeune femme paumée prête à tout pour son nouvel amant, l’imprévisible Denis Carpentier (superbe). Jacqueline Nicolas est une idéale voisine curieuse, guindée et commère à souhait. Tony D’Antonio nous livre une remarquable composition d’un solitaire alcoolique éprouvé par la vie.
Rien à signaler fait partie d’emblée de ces spectacles remue-cœurs que l’on ne peut que conseiller à tous pour espérer voir disparaître l’indifférence et émerger un peu plus d’humanité.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 16-04-2013
Théâtre de Poche
Présentation du spectacle :
Résumé : Cette indifférence qui peut faire de nous des monstres…
L'affiche :
de Martin Crimp
avec : Denis Carpentier, Tony d'Antonio, Benoît Janssens, Valérie Lemaître, Bernadette Mouzon, Jacqueline Nicolas, Allan Bertin